Pourquoi il ne faut pas partir au Japon en avril
Le titre de cet article est volontairement provocateur à l'aube de l'année 2023 qui marquera, après 3 printemps fermés aux visiteurs étrangers, leur retour au Japon pour la 1ère haute saison touristique post-Covid 🦠. L'image d'Épinal des cerisiers en fleurs est restée dans toutes les têtes des touristes qui attendent depuis ces 3 longues années de pouvoir venir contempler cette saison aussi éphémère que splendide. Mais la bonne nouvelle de la réouverture des frontières depuis octobre 2022 ne va pas sans un certain nombre de risques ou d'inconvénients qu'il est important de prendre en compte avant d'envisager un séjour dans l'archipel pendant ce mois d'avril critique, a fortiori à ses début et fin.
Cela ne se limite toutefois pas au "revenge travel" de 2023 et le problème, qui existait pré-Corona, a peu de chances de disparaître après l'année de reprise. Nous faisons donc ici un point complet sur ce faux bon choix que peut-être un voyage au Japon en avril.
Les prix prohibitifs de la très haute saison touristique
Plus que n'importe quelle floraison au cours de l'année, celle des sakura 🌸 reste la plus attendue au Japon et la plus attractive pour le tourisme. Le début du printemps s'affiche donc comme une très haute saison qui, sur la base de l'offre (limitée) et de la demande (débordante), permet aux professionnels de faire grimper les tarifs.
La rareté des bonnes affaires rejoint la très faible possibilité d'organiser un séjour au Japon en avril au dernier moment. Que ce soit les vols, les hébergements ou les transports sur place, il est fortement recommandé de réserver bien en avance, dès l'ouverture du calendrier l'année précédente lorsque cela est possible. Et même si on arrive le premier servi, il ne faut pas espérer obtenir un meilleur prix. Les établissements connaissent le succès de leur destination à cette période et savent qu'ils rempliront systématiquement leur calendrier.
Pour donner un ordre de grandeur, un hôtel 🏨 de catégorie standard comme M's Hotel Gojo Naginatagiri, situé dans le centre-ville de Kyoto, multiplie par 4 le tarif de ses chambres entre janvier (en basse saison) et tout début avril, où la fréquentation de la ville atteint un pic en même temps que la pleine floraison des cerisiers. Pour un même service, on paye ainsi en avril nettement plus cher qu'à d'autres périodes parfois tout aussi intéressantes comme fin février / début mars, ou plus tard au printemps : en mai. La contemplation des sakura en fleurs entraîne un important coût supplémentaire que les visiteurs doivent être prêts à accepter.
La congestion des sites incontournables
Le retour progressif de la belle saison attire irrémédiablement la foule dans les parcs et les jardins, venue profiter des premières floraisons. Les week-ends se montrent particulièrement bondés avec les familles en repos qui privilégient également les activités en plein air et les fameux pique-niques sous les arbres en fleurs.
Le caractère éphémère du printemps accentue le phénomène de congestion au sein des sites les plus plébiscités et les plus beaux à voir. De cette façon, les spots de sakura incontournables tels que :
- les douves Chidorigafuchi dans la capitale ;
- le parc d'Ueno ;
- le jardin Shinjuku Gyoen ;
- les bords de la rivière Meguro-gawa à la nuit tombée ;
- la voie ferrée Keage Incline à Kyoto ;
- le chemin de la Philosophie ;
- et le château 🏯 d'Osaka sont pris d'assaut à cette période et seule la pluie peut faire déserter les promeneurs.
On est loin du calme rencontré lors du triste printemps 2020, en début de Corona, comme le montraient nos photos de l'époque :
On ne recommande donc pas cette saison aux voyageurs qui ne sont pas prêts à supporter le monde et le piétinement qui l'accompagne. Celles et ceux qui restent motivés peuvent arriver le plus tôt possible sur place, ou alterner avec des spots plus modestes et moins bondés, mais pas forcément moins intéressants. En transport, on recommandera également le Japan Rail Pass version "Green" (Première classe) pour retrouver un peu de calme pendant les trajets.
À noter que l'effet d'engorgement est décuplé pour les visites qui fonctionnent déjà avec des jauges et des créneaux horaires. Ainsi, obtenir son ticket d'entrée pour le musée Ghibli ou les parcs d'attractions 🎡 comme Universal Studios Japan ressemble à une chimère hors de prix. Les touristes étrangers n'ont en général pas accès aux mêmes opportunités que les locaux.
La floraison des cerisiers déjà passée ou presque à Tokyo, Kyoto et Osaka
Au risque d'être déçus, le mois d'avril n'est pas toujours synonyme de cerisiers en fleurs pour les régions centrales de Honshu qui accueillent la majorité des touristes. D'une manière générale, la période des sakura en fleurs s'étend sur une fenêtre limitée d'environ 2 semaines :
- une semaine pour atteindre le pic de floraison après l'éclosion des premiers bourgeons ;
- puis une 2ème semaine où les pétales tombent et laissent la place aux jeunes feuilles vertes.
En cas de pluie ☔️ ou de vent, la durée de floraison des cerisiers japonais s'écourte un peu plus. Avec le changement climatique observé ces dernières années, les dates de floraison ont tendance à se décaler de quelques jours à 1 semaine en avance. Ainsi, en 2022 et selon l'Association de météorologie japonaise :
- Tokyo a affiché une floraison entièrement en mars : du 20 au 27 ;
- Kyoto et Osaka ont vu leur pic se produire le 30 mars, soit 5 jours plus tôt que la moyenne des années précédentes.
En avril, ce sont les régions les plus au nord du Japon ou les plus montagneuses, notamment les villes de Sapporo, d'Aomori, de Sendai ou encore de Nagano qui deviennent les meilleurs destinations pour célébrer ohanami. Au plus proche de Tokyo, on peut citer la ville de Fukushima et son parc Hanamiyama, mais cela n'est tout de même pas la porte à côté.
À noter que les autres floraisons populaires qui suivent celles des sakura (comme les azalées, les glycines ou les roses) attirent à leur tour une foule conséquente d'amateurs en botanique. Le paysage au global se verdit également avec le retour des jeunes pousses 🌿 sur les arbres.
Un coucher de soleil encore assez tôt dans l'après-midi
Au pays du Soleil-Levant, il faut attendre jusqu'au solstice d'été pour profiter vraiment de fins de journées agréables. Au cours du mois d'avril, le soleil se couche encore relativement tôt pour nos habitudes d'Occidentaux, compter autour de 18h15 à Tokyo, soit 2 heures avant la tombée de la nuit à Paris à la même période.
Pour maximiser son temps sur place, on recommande de se lever aux aurores afin de profiter le plus possible des temples et des jardins aux heures d'affluence les plus faibles. Les sites spirituels ouvrent en général leurs portes dès le lever du soleil, à partir de 5h30 - 6h en avril. Pas sûr que cela convienne à tout le monde !
Les températures se montrent par ailleurs encore trop fraîches pour que les terrasses nocturnes en plein air s'installent. Par exemple, les beer garden sur les toits des gratte-ciels à Tokyo ou encore les balcons sur pilotis au bord de la kamo-gawa à Kyoto n'apparaîtront qu'à la fin du printemps.
L'archipel en vacances pendant la Golden Week
Même si le 1er avril marque le début de l'année scolaire et administrative au Japon, la fin du mois annonce déjà les vacances nationales. Baptisées Golden Week, elles font le pont entre plusieurs jours fériés et durent environ une petite 10aine de jours jusqu'à début mai.
Durant cette transhumance collective, les grandes villes se vident et les citadins partent se ressourcer dans la campagne japonaise ou au bord de la mer. Ils voyagent alors majoritairement en train (Shinkansen 🚅) ou par avion ✈️ via des vols domestiques, et aiment à séjourner dans des complexes hôteliers et des auberges ryokan nichés dans la nature. Chaque année, les réservations pour ces transports et ces hébergements sont complètes des mois à l'avance, cela malgré un tarif bien plus élevé que la normale.
Les dates de la Golden Week de 2023 sont du samedi 29 avril au dimanche 7 mai et coïncident avec les vacances de printemps en France pour les zones B et C (qui inclut Paris et sa région). Ce calendrier superpose donc 2 importantes périodes de congés pour les Japonais et les Français qui risquent fort de se retrouver tous aux mêmes endroits en même temps.
Le retour des Chinois en 2023 n’est pas une bonne nouvelle
Enfin, à ces difficultés récurrentes évoquées plus haut, s'ajoute en 2023 une situation spécifique qui alourdit encore les problèmes.
La décision de la Chine fin 2022 de stopper soudainement sa politique "zéro Covid" et de rouvrir ses frontières à partir du 8 janvier 2023, alors que sa population connaît un tsunami de contaminations au Corona, inquiète grandement la communauté internationale.
Les pays préférés des touristes chinois (avec en haut du podium les destinations d'Asie voisines comme le Japon) se sentent particulièrement visés par la tendance du revenge travel et la masse de visiteurs frustrés de 3 ans de confinement strict qui s'annonce ; notamment à l'occasion du Nouvel An chinois fin janvier.
En réaction, le Premier ministre japonais Fumio Kishida a annoncé de nouvelles restrictions aux frontières, chose qu'il n'avait pas faite depuis la réouverture décidée en septembre. Les voyageurs en provenance de Chine dans les 7 derniers jours doivent notamment effectuer un test PCR obligatoire à l'arrivée sur le sol nippon depuis le 30 décembre 2022. En cas de résultat positif, la personne contaminée sera placée en quarantaine pendant 7 jours. Les modalités ne sont pas encore confirmées à cette heure mais l'on suppose que des hôtels sont réquisitionnés par le gouvernement comme pendant cet effroyable néo-Sakoku qui a si longtemps fermé le pays à partir de début 2020. D'autres destinations emboîtent également le pas du Japon à l'image de la France, Taiwan, l'Inde, l'Italie ou encore les États-Unis.
Ce retour en arrière rappelle en tout cas des mauvais souvenirs...
On recommandera donc, pour toutes ces raisons, d'éviter "l'effet mouton" et de choisir une autre période de voyage pour le Japon qui a tant de richesses à offrir au-delà de ce fameux mois d'avril !