Xenophobie Japon Covid 2020

La xénophobie japonaise déplorable et absurde face au Covid-19

⏱ 7 minutes

Chassez le naturel, il revient au galop.
La crise sanitaire du Coronavirus 🦠 a fait remonter à la surface certains réflexes japonais qui hélas, sous couvert de prudence, confinent (!) à la xénophobie.

Et peu importe si la pandémie mondiale touche par définition l'ensemble des peuples quelle que soit leur origine, les Nippons ont fait montre ces derniers mois de piètres décisions, souvent navrantes, parfois cruelles, mais toujours fâcheuses d'un point de vue extérieur et qui ne vont certainement pas améliorer l'image du pays sur le plan diplomatique.

Retour, en 4 exemples choquants, sur une regrettable dynamique de choix et communications de la part du Japon depuis l'explosion du Covid-19 en début de printemps 2020 (et donc sans Carlos Ghosn !) :

Un blocage des frontières aux résidents étrangers pendant 5 mois

On l'a écrit maintes fois depuis la décision initiale fin mars : le gouvernement japonais a choisi de bâtir un mur inique dans le cadre de sa fermeture des frontières.
En effet, seuls les citoyens japonais (ou ceux ayant réussi à rester munis d'un double passeport) avaient le droit de circuler librement en-dehors du Japon et d'y revenir. Tous les autres étaient soit :

  • bloqués à l'étranger sans pouvoir revenir dans leur pays d'adoption ;
  • coincés au Japon car s'ils en sortaient, ils ne savaient pas quand ils pourraient y retourner.

Des situations terribles sont ainsi apparues, telles que l'impossibilité d'aller accompagner un proche en fin de vie dans son pays d'origine et même d'assister à ses funérailles. Ou encore, pour ceux qui avaient eu la malchance de se trouver hors du Japon au moment où la sentence fut annoncée (par exemple pour raisons professionnelles) : le devoir de payer son loyer, ses impôts ou encore ses salariés sans même pouvoir rentrer chez soi ou voir sa famille / ses enfants ! Une punition aberrante...

Ce sont ainsi près de 100.000 résidents étrangers qui se sont retrouvés dans cette situation unique au monde qui, selon de nombreuses voix, violait les droits de l'Homme.

Les décideurs japonais n'en ayant eu cure pendant près de 160 longs jours, il aura fallu attendre le 1er septembre pour que les résidents étrangers aient à nouveau le droit de "libre" circulation, soit :

  • presqu'un mois après les professeurs d'écoles internationales ;
  • en même temps que les étudiants munis d'une bourse du gouvernement ou les athlètes inscrits aux JO ;
  • à peine quelques semaines avant les hommes d'affaires, le reste des nouveaux étudiants et PVT.

Aucun touriste étranger depuis fin mars 2020 mais un GoTo Travel délirant

Cela n'aura échappé à aucun(e) lectrice ou lecteur de Kanpai depuis le printemps : les touristes ne peuvent plus accéder au Japon depuis la période des sakura 🌸 2020, et pendant encore plusieurs mois début 2021. Plus précisément, car l'information est moins connue : depuis fin octobre, ils étaient les derniers types de visas à ne toujours pas pouvoir entrer sur le territoire (voir plus bas le point sur la refermeture de janvier 2021).

Pour être tenu(e) informé(e) le jour-même de l'annonce de la réouverture des frontières aux touristes francophones, n'oubliez pas de vous inscrire à la newsletter Kanpai :

Pour compenser une chute annuelle d'environ 30 millions de visiteurs étrangers et sauver une industrie touristique exsangue, le gouvernement a alors eu une idée lumineuse : sur-stimuler le tourisme domestique via une campagne de financement pharaonique de ~8,3 milliards d'euros.
Intitulée "Go To Travel", elle a démarré fin juillet 2020 et devrait durer jusqu'à juin 2021. Lors de son premier mois d'existence, elle avait déjà bénéficié à 2 millions de Japonais. En novembre, 40 millions de voyages avaient été réservés et pour cause, au moindre jour férié, les gares et aéroports se bondent, de même que les destinations attractives comme Kyoto.

Et peu importe si un grand nombre professionnels de santé nippons la conspuent depuis des mois, en particulier son volet "Go To Eat" dédié aux restaurants, jusqu'à supplier le gouvernement de la stopper lors de la montée logique de la 3ème vague en novembre ; il faut attendre que la toute relative capacité des hôpitaux japonais soit menacée le mois suivant pour que les dinosaures politiques daignent la mettre en pause, et encore, seulement pendant quelques jours au nouvel an...

La propagation du Coronavirus due aux étrangers sur le territoire

Comme en France et ailleurs dans le monde, les autorités politiques et sanitaires nipponnes communiquent régulièrement autour de l'évolution épidémique sur le territoire, tentent d'analyser les causes et dispensent leurs consignes et conseils pour ralentir la propagation.

Lors d'une conférence de presse de près de 2 heures le 12 novembre, 4 minutes sont consacrées aux non-Japonais (à partir de la 35ème minute de la vidéo). Alors que les statistiques présentées montrent un nombre dérisoire de clusters trouvés parmi eux, l'intervenant vise les étrangers présents sur le territoire en invoquant la barrière de la langue puis indique qu'une meilleure information multilingue doit être donnée dans les centres de santé locaux, les ambassades ou dans la communication officielle sur Internet 📶.

Sauf que les chaînes de télévision, qui participent très largement à la diffusion des actualités, ciblent tout particulièrement les étrangers via un focus sur ce court extrait. Alors qu'aucune donnée précise, notamment dans les tests PCR ou sérologiques effectués, ne permet de valider cette assomption, l'idée se répand ainsi dans l'inconscient collectif des Japonais que le gaijin reste à la fois impur et un grand responsable de la situation.

Mais cette anecdote manquerait encore de cynisme si l'exemplarité n'y était pas, jusqu'au sommet du pouvoir.

Ainsi, alors que le gouvernement japonais demande à la population de ne pas manger à plus de quatre personnes ensemble, son Premier ministre Yoshihide Suga organise le 14 décembre un dîner avec 10 convives (dont des personnalités de la télévision ou encore du baseball) autour d'un bon steak, dans le luxueux quartier de Ginza à Tokyo.
Le plus "comique" restant l'explication a posteriori d'un des participants, Toshihiro Nikai, secrétaire général du parti libéral démocrate, devant la grogne populaire : il explique qu'il ne s'agissait pas d'un dîner, mais d'une "réunion d'échange d'opinions" autour d'un repas... Tout est dans la nuance, n'est-ce pas ?

Le ministre de la défense Nobuo Kishi a, quant à lui, participé à une fête qui a causé la contamination au Coronavirus du chef d’état-major de la marine et de son adjoint.

Plus tragique, on a appris le 27 décembre la disparition à 53 ans de Yuichiro Hata, fils d'un ancien Premier ministre, atteint de fièvre depuis plusieurs jours et qui devait se faire tester le jour-même. Le lendemain, après autopsie, le Covid était formellement identifié comme la cause de son décès. Il est le premier politicien japonais à succomber au virus.

Refermeture totale de janvier 2021 alors que les infectés à la nouvelle souche sont tous Japonais

L'annonce peu avant Noël d'un nouveau variant du Covid-19 plus virulent a naturellement fait frémir beaucoup de pays, qui ont adapté rapidement et temporairement leur mesures vis-à-vis des entrées de voyageurs en provenance d'Angleterre. Mais aucun n'a réagi avec autant de largesse que le Japon... Jugez plutôt.

Alors que les 7 premiers infectés sur l'archipel nippon, annoncés le 26 décembre, étaient tous des Japonais revenus du Royaume-Uni (et pour cause : 93% des 150 arrivées quotidiennes d'Angleterre en décembre étaient des Nippons), la nouvelle sentence se montre à la fois démesurée et intraitable : on referme sous quelques heures les frontières à tous les étrangers non résidents, et ce pendant au moins un mois !
Et que celles et ceux ayant réussi à obtenir un visa quelques jours avant s'estiment heureux : ils bénéficient d'un délai de grâce jusqu'au 3 janvier pour entrer au Japon.

Seul point positif dans l'histoire : les citoyens Japonais doivent —enfin— eux aussi effectuer un test PCR 72 heures avant le vol retour, comme tous les autres entrant sur le territoire.

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Heureusement, l'archipel continuera d'offrir une incroyable variété de paysages, d'architectures et de plaisirs gastronomiques.
Heureusement, le "Cool Japan" ne cessera de rayonner par son attrait de la culture populaire dans de nombreux secteurs.
Heureusement, la population et les professionnels locaux accueilleront toujours les touristes avec plaisir et hospitalité.

2021 s'annonce riche en évènements (notamment la vaccination et les Jeux Olympiques 🏅) qui mèneront en parallèle à la réouverture complète des frontières dans le courant de l'année.

Les visiteurs étrangers oublieront bien vite ces anicroches, si tant est qu'ils en aient entendu parler, et à raison car ils seront effectivement bien servis pendant leur prochain voyage. En revanche, les expatriés actuels et les futurs devront se rappeler une fois de plus qu'ils ne seront jamais considérés comme des Japonais et qu'il y aura toujours des différences de traitement.
Le Japon reste à la fois une destination touristique merveilleusement accueillante mais un pays d'adoption coriace, à l'image de toute son histoire.

Mis à jour le 10 mars 2021 - The Unfortunate and Absurd Japanese Xenophobia in Covid-19 Context