Centre Covid-19 à Osaka (décembre 2020)

On a été cas-contact Covid au Japon

Notre retour d'expérience et analyse

⏱ 7 minutes

L'image d'Épinal de la civilité japonaise

On a coutume de penser que les Japonais sont respectueux des consignes et du groupe, ce qui reste vrai mais dans une certaine mesure seulement. On imagine donc sur la base de ce postulat que, pour ne pas contribuer à la propagation du virus et ce dès le moindre symptôme Corona, le Nippon :

  • s’isole pendant une quatorzaine stricte ;
  • se signale sur l'application Cocoa (le "Tous Anti Covid" local) ;
  • et se fait rapidement tester par PCR.

C’est toutefois oublier par-là même le besoin de ne pas gêner le groupe (迷惑 meiwaku) ni de se mettre dans l’embarras (恥ずかしい hazukashii).
Combien ont des symptômes discrets, tels que l’agueusie ou l’anosmie, et ne préviennent pas leur entourage et encore moins leurs collègues de travail, au risque de faire flamber les contaminations ?

En cette fin 2020, on a tendance à beaucoup jeter la responsabilité sur le dos des campagnes "GoTo Travel" et "Go To Eat" : le financement par le gouvernement japonais du tourisme domestique depuis l'été. À notre sens, elle n’est toutefois certainement pas la seule en cause dans cette 3ème vague nipponne qui, bien que très basse comparativement à la 2nde vague actuelle des pays occidentaux, atteint des niveaux records pour l’archipel.

Voici donc un compte-rendu de notre expérience vécue de cas-contact au Japon, avec ses trous dans la raquette parfois inattendus.

Circonstances de la possible contamination

Le samedi 28 novembre, nous participons à une soirée d'anniversaire. Comme à l'accoutumée au Japon, toutes les informations sont données sur un groupe de l'application Line où tous les invités participent.
La maison est grande, même pour des standards occidentaux, et nous sommes une vingtaine de personnes à nous répartir entre le salon, la cuisine et une pièce bar.

Pour des questions de confidentialité, nous ne donnerons évidemment pas le véritable prénom de la personne concernée, d’autant plus qu’elle est relativement haut placée sur le plan professionnel. Nous nous y référerons donc par le pseudonyme "Hajio".

Hajio donc, l'un des invités, arrive sur les lieux vers 17 heures. Au bout d' 1h30 environ, il se rend compte qu’il vient de perdre le goût et quitte la soirée vers 19h. Nous apprenons cela vers 21h30, au détour d'une discussion avec l’organisateur de la soirée, qui nous demande d’éviter d’ébruiter l'information...
Nous prévenons malgré tout un ami dont l'épouse est enceinte, qui décident de partir dans la foulée. Nous les accompagnons avec deux autres personnes proches.

À noter que nous n'aurons pas été alertés par Cocoa, qui ne considère les cas-contacts et ne les prévient qu'en cas de rapprochement à moins d'un mètre pendant 15 minutes minimum (TousAntiCovid a, elle, élargi son spectre fin novembre).

Signalement et suivi d'un cas-contact au Japon

Hajio n'annonce son agueusie sur Line que le lendemain soir vers 21 heures, sur un ton plutôt léger... Nous l'appelons et, même s'il n'y semble pas très motivé, nous parvenons à le convaincre de passer un test PCR dès le lundi.

Il est déclaré positif le mardi 1er décembre, et sera appelé par le centre de santé publique locale (保健所 hokenjo) un peu plus tard dans la même journée. On lui précise alors qu’il sera rappelé par la cellule des cas-contacts le lendemain. Dans l'intervalle, Hajio envoie un message sur le groupe Line de la soirée pour savoir qui ne veut pas être "dénoncé" pour des questions personnelles ou professionnelles...

Le hokenjo, de manière tout à fait inattendue, lui demande de lister seulement les personnes avec lesquelles il a discuté, et pas toutes les personnes présentes lors de la soirée. Ce qui complique naturellement le traçage des cas-contacts réels ! De là à penser que le Japon "maquille" ou tout du moins atténue ses stats Covid de cette manière, il n’y a qu’un pas…

Les personnes déclarées sont elles-mêmes contactées le mercredi, et nous en faisons partie. Lors de cet appel, la personne en charge du dossier prend nos informations personnelles :

  • nom et prénom,
  • date de naissance,
  • adresse postale.

Nous devons insister pour obtenir un test, alors que le hokenjo nous indique que, positif ou négatif, nous devrons de toute façon rester en quarantaine.
Un kit de test PCR salivaire nous sera envoyé à domicile sous 2 à 3 jours. On nous demande de rester en quatorzaine même si le résultat du test revient négatif, et de prévenir si nous avons le moindre symptôme.

Le test PCR Covid et les résultats

Le vendredi 4, on nous annonce la livraison du kit pour le lendemain. Nous devrons remplir et retourner le tube de salive le dimanche 6 dans un créneau d'une demi-heure, à une adresse spécifique dont nous devons garder les coordonnées secrètes.
Nous sommes autorisés à prendre les transports en commun pour nous y rendre, alors que notre test est peut-être positif ! Lorsque nous revenions de l'étranger avec 2 tests PCR négatifs en 72 heures, nous avions pourtant interdiction de les emprunter pendant 15 jours...

Le dimanche, nous nous rendons donc (à vélo 🚲) au lieu convenu. Il s'agit d'un parking où deux bus de tourisme et deux grandes haies végétales cachent les stands sanitaires, gardés par des personnels dédiés qui filtrent les arrivées. Le lieu est donc volontairement caché de l'extérieur.
On nous demande de nous désinfecter les mains avant d’ "entrer", puis une nouvelle fois entre les bus, avant de remettre le tube salivaire qui sera vérifié et désinfecté par le personnel de santé.

Le résultat doit être communiqué sous 2 jours, mais nous sommes appelés dès le lendemain. Notre résultat est négatif mais on nous demande de rester en quatorzaine, et de confirmer l’absence de symptôme et fièvre.
Nous précisons que nous quittons le Japon le 10 décembre, 3 jours plus tard et donc en pleine quatorzaine, pour retourner en France pour les fêtes. On sera appelés ce jour-là pour vérifier l'absence de symptômes et de fièvre.

À l'aide d'un code QR (fourni dans le kit), nous devons nous connecter à un site pour entrer chaque jour notre température et la présence ou non de symptôme. Toutefois, contrairement à celui de l'immigration, le suivi de la cellule de santé n'est pas très ténu et si vous avez du retard dans vos déclarations quotidiennes, on ne vous appellera pas.

Ce test "cas-contact" est gratuit car pris en charge par le gouvernement japonais. Ceux qui pouvaient se le permettre ont payé eux-mêmes leur test car ils jugeaient cela plus rapide et moins alambiqué. Pour rappel, au Japon :

  • un test antigénique s'élève à environ 7.500¥ (~46,11€), avec une fiabilité de 75% ;
  • un test RT-PCR coûte au minimum 30.000¥ (~184,40€), avec 90% de bons résultats.

La gestion sanitaire japonaise de traçage des contacts

L’objectif ici n’est pas de critiquer le Japon pour le plaisir de le faire, mais de mettre en lumière une facette moins reluisante du pays que la politique et la communication nipponnes se gardent bien d'exprimer.

Alors qu'en France, les lieux de tests Covid sont clairement indiqués par des panneaux routiers, au Japon on les cache.
Par ailleurs, et sans lien avec l'anecdote de la soirée ci-dessus, un ami japonais avec entre 39 et 40°C de fièvre pendant 3 jours n'arrivait pas à trouver de médecin ; ceux-ci refusaient de le recevoir par crainte de contamination Covid.

Au global et malgré un nombre de tests relativement faible, le pays de Musashi n’a certainement pas à rougir de sa gestion de crise Coronavirus 🦠, bien aidé par des mœurs où la distanciation physique est la norme sociétale et où l’on commence par respecter la règle (alors que dans les pays occidentaux, on cherche plutôt à la contourner ou tout simplement à l’enfreindre frontalement).

Rappelons à toutes fins utiles qu’au Japon :

  • il n’y a jamais eu de confinement imposé, il n’existe pas de couvre-feu et encore moins d’attestations de déplacement ;
  • le gouvernement finance à grands frais depuis juillet la campagne GoTo Travel d’incitation au tourisme domestique, qui tourne à plein régime malgré des freins récents ;
  • 120 millions de doses du vaccin AstraZeneca ont été réservées par l’état dès cet été ;
  • le nombre total de morts du Covid-19 depuis début 2020 est équivalent à celui chaque jour de décembre aux États-Unis ;
  • on s’apprête à accueillir en juillet-août 2021 les Jeux Olympiques dont tous les organes officiels, le CIO en premier lieu, ne cessent de re-valider les nouvelles mesures sanitaires.

Et même la Corée, qui jouait dans la cour des très bons élèves depuis le début de la pandémie, fait face actuellement à une 3ème vague hivernale inattendue.

Mis à jour le 13 janvier 2021 We have been Close Contact to a Covid-19 Case in Japan