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Pourquoi le Japon a été très peu touché par le Coronavirus

Moins de 10.000 morts Covid-19 sur l'archipel au printemps 2021

⏱ 9 minutes

D'un point de vue franco-français, la charnière Coronavirus 🦠 de mi-mars s'est effectuée dans une précipitation inédite : en l'espace de quelques jours à peine, le pays est passé d'un espace de liberté habituel sous la petite menace épidémique d'une grippette, à un territoire confiné strictement après la fermeture des écoles puis des bars-restaurants coup sur coup. C'est oublier qu'en temps de pandémie mondiale, chaque état a vécu le cataclysme Covid-19 avec son propre point de vue et sous une réponse gouvernementale différenciée.

Le Japon qui, il va sans dire, nous intéresse hautement ici, a ainsi vu son image basculer dans un étrange aller-retour sur les premiers mois de l'année 2020 :

  • D'abord rapidement catapulté second de la triste liste des pays les plus touchés dans le monde à cause des centaines de cas sur le Diamond Princess, le Japon a eu du mal à s'en désolidariser ; pourtant, le bateau de croisière placé en quarantaine au large de Yokohama naviguait dans les eaux internationales (il a d'ailleurs depuis été classé comme "territoire" indépendant).
  • Quelques semaines plus tard, alors que le déconfinement débutait timidement en Europe, les Nippons terminaient leur état d'urgence plus tôt que prévu et reprenaient déjà une vie presque normale, sans jamais avoir été confinés strictement.

À noter une légère polémique en début de crise sanitaire, de la part de certains Occidentaux qui arguaient que le Japon maquillait ses chiffres à l'instar de la Chine. Ce débat stérile fut vite balayé par la publication des statistiques de surmortalité : seulement +7% en avril à Tokyo par rapport au même mois de 2019 (qui lui-même augmentait de 6%, bien avant le Covid). Des chiffres tout à fait normaux au vu de l'accroissement démographique de la capitale japonaise et le vieillissement de sa population. Sur l'ensemble de l'année 2020, on note même une baisse de 0,7%, la première en 11 ans !

Si tout s'est passé sans vagues sur l'archipel, c'est parce qu'à ce jour, les chiffres sont formels : avec environ 17.000 cas et moins de 1.000 décès au total (30 fois moins qu'en France pour une population 2 fois plus importante) ou encore 0,1% de Tokyoïtes avec anticorps en juin 2020, le Japon est l'un des pays riches les moins touchés par le Coronavirus dans le monde entier.

À cela, plusieurs explications simples que nous analysons ci-après.

Des raisons culturelles

Le 5 juin, le ministre des finances et Vice-Premier ministre Taro Aso les regroupait sous l'idée du niveau de 民度 "standard culturel" plus élevé du Japon.

Elles sont inhérentes à la population japonaise et simples à trouver pour certaines.

😷 Le port du masque sanitaire

Les Japonais ont la culture du port du masque 😷 depuis des décennies et, d'un point de vue occidental, cela pouvait amuser un certain nombre de voyageurs étrangers avant la pandémie. Ainsi, en 2013 le célèbre YouTubeur Norman disait lors d'un voyage à Tokyo : "Il y a quand même pas mal de chirurgiens dans la ville !".

Pourtant, il a été prouvé scientifiquement que le port du masque réduit de 75% le risque de transmission du Covid-19.

Pour ne rien gâter, le pic épidémique est tombé en plein kafunsho, la période du rhumes des foins entre février et avril : puisqu'il touche beaucoup de Japonais, ces derniers ont tendance à mettre encore plus de masques pendant la saison du printemps 🌸.

Combiné au Coronavirus, on a alors vu autour d'avril-mai 2020 environ 99% de Japonais masqués dans les transports et les lieux fermés, et énormément aussi dans l'espace public.

💋 La distanciation physique naturelle

Nouvelle évidence : les Japonais ne sont pas connus pour être tactiles. Au Japon, on ne se fait certainement pas de bise, ni d'étreinte (hug), et l'on ne se serre la main que très rarement. Autant de gestes qui réduisent drastiquement la propagation du virus.

Au lieu de cela, on utilise le hochement de tête voire la courbette qui nécessitent, notamment pour cette dernière, une distanciation physique de bien plus d'un mètre. Idéal pour réduire la transmission par gouttelettes.

De même, les Japonais vont très rarement les uns chez les autres, préférant les rencontres à l'extérieur, limitant donc les contacts étroits et les partages de surfaces.

🥓 La relative absence d'obésité

Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, près de 40% des adultes étaient en surpoids dans le monde en 2016. Mais ce chiffre cache des disparités importantes au niveau des territoires. Ainsi, si l'on prend la liste des pays les plus touchés par le Coronavirus au moment où ces lignes sont écrites, on s'aperçoit que leur taux de prévalence du surpoids (soit un IMC supérieur à 25) y est largement corrélé :

  • États-Unis : 67,9%
  • Brésil : 56,5%
  • Russie : 57,1%
  • Royaume-Uni : 63,7%
  • Espagne : 61,6%
  • Italie : 58,5%
  • France : 59,5%
  • Allemagne : 56,8%
  • Turquie : 66,8%
  • ...
  • Japon : 27,2% !

Puisque l'obésité (de même que le diabète, souvent lié) est un facteur de co-morbidité éminemment fort, le Japon est donc largement protégé de ce problème, en grande partie grâce à son alimentation plus équilibrée et probablement aux prédispositions génétiques de son peuple.

Entre mars et juin, le taux de décès des patients Covid traités en hôpitaux japonais était ainsi de 7,5%, contre 20 à 30% en Chine et dans les pays anglo-saxons.

🚰 Un niveau d'hygiène élevé

Nous l'aborderons dans un prochain article sur la propreté au Japon : on enseigne aux Japonais, dès tout petits, à avoir une bonne hygiène du corps et des lieux de vie au quotidien.

Par exemple, les enfants participent aux tâches ménagères des classes et de l'école, ils apprennent à se laver les mains régulièrement, notamment en rentrant à la maison (le lavage de mains étant l'une des manières les plus simples et efficaces de tuer les microbes du Covid).

🚃 La retenue dans les transports en commun

À l'exception des Shinkansen 🚅 (TGV) et de quelques rares trains express, il est interdit de manger dans les transports en commun au Japon. De plus, partout dans les wagons, il est demandé de ne pas téléphoner et les smartphones 📱 doivent être en mode vibreur.

Naturellement, les conversations dans les trains se font rares ou à voix basse, ce qui fait que les aérosols se diffusent moins et à une distance beaucoup plus restreinte.

Ce point est lié au suivant.

🈺 La douceur de la langue japonaise

Une vidéo comparant l'exhalation des sons en langues anglaise et japonaise, diffusée sur la chaîne de télévision japonaise TBS courant mai et partagée sur Twitter, a beaucoup amusé la communauté japanophone :

Bien qu'exagérée, cette mise en parallèle a le mérite de relever que non seulement la langue de Musashi utilise des consonnes moins dures, mais qu'en plus on a tendance à la parler de manière plus douce que d'autres (par exemple : l'anglais-américain, le chinois, l'italien ou encore l'espagnol).

En conséquence : on postillonne moins en japonais !

🦠 Une immunité collective croisée

Malgré son insularité, le Japon a pourtant déjà subi de fortes épidémies au cours de son Histoire, créant chacune plusieurs centaines de milliers de morts, parmi lesquelles :

  • le choléra, dans la seconde moitié du XIXe siècle
  • la grippe espagnole de 1918 à 1920
  • et surtout la tuberculose, dans la première moitié du XXe, déclarée "maladie nationale"

Toutefois, mi-mai, des études scientifiques en pré-publication avancent que le peuple japonais bénéficierait d'une immunité croisée liée à des souches antérieures, possiblement liées aux anciens virus, notamment :

  • SRAS (2003),
  • H1N1 (2009),
  • et/ou MERS (2012).

Le Covid-19 aurait donc, par nature, moins d'effet sur les Japonais.

De bonnes décisions rapides

Une fois n'est pas coutume, il faut saluer les bonnes réponses formulées à la fois par la population et le gouvernement japonais, pourtant pas nécessairement connus pour être les plus agiles (en particulier hors temps de crise).

Même l'OMS a félicité le Japon pour sa gestion de l'épidémie ; son directeur général le Docteur Tedros expliquait le 25 mai en conférence de presse : "Nous pouvons voir que le Japon a réussi".

🛂 Les fermetures des frontières

Le Diamond Princess, cité plus haut dans cet article, a créé une secousse et piqué la fierté des Japonais qui ont peu goûté se retrouver (bien qu'à tort) en haut de la liste des pays les plus touchés.

Le Japon a donc fermé ses frontières très tôt pour se protéger de la contamination par l'extérieur :

  • dès le 1er février, pour les personnes ayant récemment transité par Hubei et Zhejiang en Chine ;
  • dès le 9 mars pour toutes les arrivées ou transits depuis la Chine ou la Corée ;
  • dès le 27 mars pour une centaine de pays du monde (!) dont la plupart de l'Europe.

Et il ne les réouvre que tard et prudemment !

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💴 La mise à l'arrêt partielle de l'économie

Dans le même esprit, l'économie japonaise s'est mise en sommeil bien en amont par rapport à de nombreux autres pays.

Ainsi, dès mi-février, plusieurs grands musées ou parc d'attractions 🎡 ont fermé leurs portes, et des évènements ont été repoussés ou annulés. Des grandes chaînes de restauration comme McDonald's ou Starbucks se sont progressivement mises au drive piéton exclusivement.

Pour les écoles, la décision a été prise dès fin février / début mars. Et la rentrée n'a eu lieu que le 2 juin.
Quant au télétravail, il s'est dans le même temps généralisé au sein d'une économie qui y est peu habituée, montrant alors une flexibilité tout à fait inattendue.

Quant aux Jeux Olympiques 🏅 de Tokyo 2020, dossier économiquement très lourd, ils ont été repoussés le 23 mars. Dès la semaine suivante, on connaissait les dates de report : été 2021, quasiment jour pour jour.

🏠 Le "confinement" respecté

Le gouvernement nippon n'a pas le pouvoir d'imposer à ses citoyens de se confiner ni d'y associer des sanctions. La consigne a donc été seulement "suggérée" dans un esprit de coopération, comme dans d'autres pays du monde qui n'ont pas choisi le confinement strict :

  • en Asie : Corée du Sud, Singapour, Taiwan
  • en Europe : Suède, Pays-Bas, Suisse

La population japonaise, éduquée et civique, a globalement très bien respecté ce repli attendu. Elle a d'ailleurs arrêté très tôt de voyager dans son propre pays, encouragée par la demande des gouverneurs de ne pas sortir de sa préfecture sous l'état d'urgence sanitaire.

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Avec sa gestion de la crise du Covid-19 à la mi-2020, le Japon a une nouvelle fois prouvé qu'il était l'un des pays les plus sûrs du monde. Y voyager peut se faire en toute sérénité.

Mis à jour le 26 avril 2021 - Why was Japan relatively spared by Coronavirus