7ème vague Covid au Japon à l'été 2022 : une explosion BA.5 sans sourciller
Au Japon comme ailleurs, les vagues de Corona se suivent et leur impact sociétal évolue. Nous continuons inlassablement à expliquer pour chacune d'entre elles ce que cela implique dans la vie quotidienne et prospective sur l'archipel.
📈 Des chiffres records
Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette 7ème vague japonaise enchaîne les records statistiques : de ~25.000 cas par jour début juillet, on dépassait les 260.000 nouveaux covidés quotidiens courant août. Le précédent chiffre le plus haut à 104.000, en pic de 6ème vague le 3 février, est ainsi pulvérisé.
Pour la première fois de cette trop longue Histoire pandémique, le Japon est le pays du G7, puis du monde, qui enregistre le plus grand nombre de cas. L'archipel avait déjà plus de cas par million d'habitants que la moyenne du reste du monde depuis janvier ! Un bonnet d'âne qui n'est pas pour lui ravir, d'autant que toutes les préfectures sont touchées, à commencer par Tokyo, Osaka et Kanagawa.
Et dans le même temps, il enregistre son premier cas de variole du singe 🐒, sans omettre de préciser que son porteur a récemment voyagé en Europe.
Pour la première fois encore, le nombre de cas actifs simultanés, qui n'avait jamais atteint le million, dépasse désormais allègrement le double. Quant à la quantité de tests effectués, qui oscillait entre 100 et 150.000 depuis le printemps 🌸, elle remonte à plus de 300.000 par jour pour dépister prioritairement les symptomatiques. Avec un taux de positivité parfois proche de 100% (!), on imagine donc sans trop d'effort que le nombre d'atteints par le virus est en réalité bien plus élevé actuellement que ne l'indiquent ces chiffres officiels. Le pic de cette 7ème vague est attendu pour le 6 août. Et puisque le gouvernement réfléchit à ne plus remonter l'ensemble des cas, il s'agit sûrement du point haut de cette pandémie.
Comme en France au cours de l'hiver dernier, on connaît tou(te)s quelqu'un de notre entourage qui a le Covid 🦠 en ce moment au Japon. Fidèlement à la tradition de "name and shame", de nombreux artistes sont pointés du doigt et ce sont maintenant les politiques qui passent également sous le feu 🔥 des projecteurs, par exemple Karen Makishima (ministre du numérique), Hirokazu Matsuno (porte-parole du gouvernement) ou encore Taro Kono (ministre de la réforme, ex-monsieur vaccin et ex-futur Premier ministre). Quant à la délégation japonaise aux mondiaux d'athlétisme dans l'Oregon, elle annonce des forfaits en série à cause de ses 15 membres testés positifs. À Kyushu, 120 trains 🚅 sont annulés sur une dizaine de jours à cause de l'absentéisme lié au Covid...
Et c'est finalement le Premier ministre Fumio Kishida, 65 ans, qui devient positif au Covid le 21 août, 9 jours après avoir reçu sa 4ème dose de vaccin et 6 jours après avoir début ses vacances d'Obon. Il reste en isolement jusqu'au 30 août.
L'archipel semble payer aujourd'hui son manque d'immunité liée au faible nombre de contaminations des précédentes vagues. Et pourtant ! Malgré ces records, malgré la rigidité inique japonaise et son isolationnisme quasiment unique au monde, c'est presque désormais comme s'il ne se passait rien...
🦠 Enfin le début du "vivre avec le Corona" au Japon
Oh, on a bien eu quelques mesurettes :
- Tokyo a relevé son niveau d'alerte à 4/4
- le gouvernement distille encore et toujours des conseils évidents :
- se (faire) tester en présence de symptômes ;
- ventiler les espaces intérieurs ;
- poursuivre la vaccination (bien qu'elle soit déjà élevée parmi la population) ;
- encore et toujours porter le masque, malgré une relaxe en extérieur (officielle mais peu suivie).
Heureusement, le manbo ou l'état d'urgence ne sont plus au menu ; il n'est donc pas question de reprendre les réductions d'horaires des établissements ou encore les restrictions de mouvements entre préfectures. Car de l'avis de ses experts, le système hospitalier japonais pourra tenir cette vague ; il n'est donc pas nécessaire de contraindre la population et d'affaiblir encore une économie déjà mal en point.
Il faut dire qu'avec Omicron et a fortiori son sous-variant BA.5, comme partout ailleurs le nombre de cas explose mais les formes graves et décès sont plus rares en proportion. Ainsi, de respectivement 2.200 et 1.500 symptômes sévères lors des 5ème et 6ème vagues, pour comparaison on est actuellement à moins de 200 sur l'ensemble du territoire. Conséquemment, la période d'isolement pour les cas-contacts est désormais réduite de 7 à 5 jours.
C'est pourquoi en pleine explosion des cas, le fameux festival Gion Matsuri à Kyoto, qui signait son grand retour en ce mois de juillet 2022, faisait parader sans fard 300.000 personnes les unes sur les autres (voir photo de une). En parallèle, le retour de GoTo Travel, la campagne de financement du tourisme domestique, est encore repoussé.
Y en a-t-il encore dans la salle qui cherchent une logique ?
Sur le plan politique, les grandes élections parlementaires du 10 juillet sont enfin derrière nous. Le Premier ministre Kishida, fraîchement débarqué en octobre dernier, a commencé à faire son trou et conforté sa place via le renforcement du Jiminto (LDP), le parti au pouvoir, au moins pour les 3 prochaines années. Il y a donc moins urgence pour lui à faire semblant d'agir.
Il reçoit par ailleurs une forte pression pour déclasser le Covid de la Classe II (comme la tuberculose) à la classe V (comme la grippe saisonnière), ce qui desserrerait l'étau pour le milieu hospitalier, encore obligé de remonter chaque cas à la main sur papier puis par fax !
✈️ La dernière vague avant une réouverture complète ?
Rappelons que depuis mars, le Japon est à nouveau ouvert aux étudiants, professionnels et rapprochements familiaux.
Depuis le 10 juin, les touristes peuvent eux aussi à nouveau fouler le sol japonais, mais d'une manière très encadrée : à travers le visa sponsorisé par une agence de voyages japonaise et l'accompagnement d'un guide en permanence sur place (l'itinéraire restant libre) :
Ainsi, le temps pour lesdites agences de mettre en place les procédures conformément aux nouvelles conditions d'immigration, seuls 252 touristes ont pu entrer sur l'archipel en juin. Mais sur le reste de l'été, plusieurs dizaines de milliers de voyageurs touristiques devraient tout de même profiter du Japon, un volume qu'on n'avait plus connu depuis mars 2020, sans même compter celles et ceux qui voyagent avec les autres visas.
Il reste l'éternel problème de la réciprocité bafouée sur la dispense de visa (alors que le Japon conserve le passeport le plus puissant au monde), mais factuellement c'est un début.
Les commerçants nippons sont d'ores et déjà ravis de voir ces voyageurs étrangers revenir à nouveau dépenser leurs devises, plus encore qu'avant au vu de la faiblesse du Yen 💴 depuis plusieurs mois. Même une ville comme Kyoto, qui pouvait flirter avec le sur-tourisme avant la pandémie, avait hâte de retrouver ces gaijin dépensiers :
Avec les élections du 10 juillet passées, c'est donc désormais cette 7ème vague qui bloque une réouverture plus franche. Elle a par exemple repoussé l'augmentation du nombre d'entrées quotidiennes sur le territoire japonais, actuellement à 20.000 et qui devait passer à 30.000 au 1er juillet.
Sur la question des frontières, Fumio Kishida s'est exprimé à nouveau récemment : "Nous n'avons pas l'intention de renforcer les mesures de contrôle des frontières actuellement mais nous allons continuer à suivre attentivement l'évolution de la situation domestique et internationale pour prendre des décisions en conséquence.". Fin juillet, il abondait en indiquant qu'aucune décision ne serait prise avant la fin de la vague actuelle ; il est donc illusoire d'attendre quelconque annonce avant courant septembre au mieux. Un jeu de la montre toujours aussi frustrant.
Car en tout état de cause, les blocages actuels aux frontières ne servent à rien. On le savait depuis longtemps et même l'OMS le rappelle régulièrement, mais la vague actuelle le met en lumière plus que jamais. Et c'est encore plus le cas lorsque les Japonais sont autorisés à entrer et sortir de leur territoire comme bon leur semble alors que l'entrée des étrangers au Japon, bien que désormais tout à fait possible, reste compliquée et onéreuse. De telles mesures ne sont donc que purement politiques, sans fondement sanitaire.
C'est l'ancien Premier ministre Shinzo Abe qui avait orienté le Japon vers une démarche d'accueil touristique et permis sa forte croissance pré-Covid lors de la décennie 2010. Fait rarissime, il fut assassiné début juillet lors d'un meeting politique à Nara. Kishida se décidera-t-il enfin à perpétuer cet aspect de sa politique extérieure ?