Les femmes au pouvoir au Japon
Sanae Takaichi, bientôt la 1ère femme Premier Ministre du Japon ?
Le 21 octobre 2025, le Parlement japonais s’apprête à élire son nouveau Premier Ministre. Le Japon est une monarchie constitutionnelle, dont l’empereur a une fonction avant tout symbolique et représentative, de la même façon que le roi en Grande-Bretagne. Le Premier Ministre en est le chef de gouvernement, dirigeant effectif du pays, à l’intérieur et à l’international. Il est élu par les 2 chambres de la Diète, parmi les membres du parti majoritaire au Parlement, et en général c’est le président de ce même parti qui est nommé Premier Ministre.
L’élection de Takaichi Sanae (une femme) le 4 octobre 2025 à la tête du PLD, le parti au pouvoir quasi sans discontinuer depuis 1955, fait figure de moment historique, le président du PLD ayant toujours été nommé Premier Ministre. Les cartes ont été rebattues par le retrait du soutien du Komeito, qui formait avec le PLD une coalition depuis 26 ans. Les négociations sont en cours, et Takaichi Sanae pourrait s’allier avec un parti concurrent, le Parti Japonais pour l’Innovation (JIP, Nippon Ishin no Kai), plus en phase avec ses idées que le Komeito, pour remporter cette élection.
Ainsi, Takaichi Sanae pourrait devenir la 1ère femme Premier Ministre du Japon, ce qui constituerait un exploit dans le monde politique japonais où, selon l’OCDE, les femmes constituent seulement 10 % des membres du Parlement japonais et environ 8 % des membres du gouvernement. Elle serait la 1ère femme à effectivement diriger le pays à l’époque contemporaine, le trône impérial étant réservé aux hommes, malgré les débats ravivés par l’abdication de l’empereur Akihito en 2019.
Cependant, les souveraines ou femmes politiques importantes ont existé tant dans les mythes fondateurs du pays que dans son histoire la plus ancienne. Nous avons donc composé un aperçu des différentes femmes dirigeantes ou influentes du Japon et qui ont contribué à écrire son histoire.
Les 8 impératrices du Japon
La réticence à nommer une femme aux plus hautes fonctions ou à la couronner semble paradoxale, alors que les mythes fondateurs du pays font la part belle à la déesse Amaterasu dont la dynastie impériale actuelle serait issue, et à des souveraines puissantes. Ainsi, la reine légendaire Himiko aurait régné sur la région de Yamatai (située soit dans la province de Yamato dans le Kansai, soit dans le nord de Kyushu) entre 188 et 248 selon des chroniques chinoises. Quant à l’impératrice Jingu, dont les dates de règne sont attribuées entre 209 (à la mort de son époux) et 269 (où son fils lui succède), elle aurait conquis les Trois Royaumes de Corée selon le Kojiki et le Nihon Shoki, et fait partie de l’imaginaire nationaliste contemporain.
En plus de 2.000 ans d’histoire, le Japon n’a été dirigé que par 8 impératrices, dont certaines ont régné plusieurs fois, principalement pendant l’Antiquité japonaise.
Pour la plupart, elles ont assuré une fonction de régence en attendant que l’héritier mâle soit en capacité de régner, et ainsi éviter des querelles de successions. Comme leur homologues masculins, les impératrices étaient entourées de conseillers issus de la famille impériale et de la noblesse, et leur gouvernance avait le même poids, au moins pendant l’Antiquité.
- Impératrice Suiko (née en 554, règne 592 - 628) : fille de l’empereur Kinmei, elle succède à l’empereur Sushun et est choisie pour son appartenance au clan Soga, synonyme de stabilité politique. Elle est le 33ème empereur du Japon et la 1ère femme-tenno. Elle est néanmoins adjointe par le régent Shotoku Taishi (574 - 622), connu notamment pour l’édification du Shitenno-ji, du Horyu-ji et la promotion de la religion bouddhiste dans l’archipel.
- Impératrice Kogyoku (née en 594, règne 642 - 645) / Impératrice Saimei (655 - 661) : elle assure la régence 2 fois, devenant la 35ème et 37ème souveraine du Japon, son 2ème règne étant dirigé en sous-main par son fils. Sous Saimei, des expéditions militaires sont envoyées vers le nord de Kyushu et dans la péninsule coréenne.
- Impératrice Jito, (née en 645 - 702, règne 686 - 697) : elle est 41ème empereur et succède à son époux Tenmu pour assurer la régence de son petit-fils, le futur empereur Monmu. Elle abdique en 697, tout en conservant le pouvoir en tant que premier "empereur retiré" (dajo tenno). Poétesse de waka reconnue, son œuvre figure dans la célèbre anthologie Hyakunin Isshu. Elle est aussi à l’origine de la construction du temple Yakushi-ji.
- Impératrice Genmei (née en 661 - 721, règne 707 - 715) : 43ème empereur du Japon, elle succède à son fils Monmu pour assurer le lien avec son petit-fils le futur empereur Shomu. C’est elle qui installe sa capitale à Heijo-kyo en 710, ouvrant la période de Nara. La compilation du Kojiki est terminée durant son règne (712). Elle commande aussi les Fudoki, les chroniques sur l’histoire et les chroniques des provinces japonaises et fait émettre les 1ères monnaies japonaises. Elle abdique en faveur de sa fille l'impératrice Gensho.
- Impératrice Gensho (née en 680 - 748, règne 715 - 724) : Gensho succède à sa mère en tant que 44ème empereur du Japon, et pour assurer la régence du futur empereur Shomu. La compilation du Nihon Shoki se termine sous son règne en 720. Elle abdique en faveur de Shomu en 724.
- Impératrice Koken (née en 718 - 770, règne 749 - 758) / Shotoku (764 - 770). Fille de l’empereur Shomu, qui abdique en sa faveur, elle a assuré les 46ème et 48ème règnes impériaux. Elle abdique à son tour en faveur de l’empereur Junnin, et devient nonne. Soutenue par le moine bouddhiste Dokyo, elle va néanmoins détrôner Junnin et régner à nouveau sous le nom de Shotoku. Elle a ordonné la construction du Daibutsu au Todai-ji.
Shotoku est la dernière impératrice pour de nombreux siècles, les 2 dernières ont régné pendant l’époque Edo (1603 - 1868) :
- Impératrice Meisho (née en 1624 - 1696, règne 1629 - 1643) : 109ème empereur du Japon, Meisho succède à son père Go-Mizunoo qui abdique en sa faveur n’ayant pas de fils. Elle devient régente à 5 ans car elle est Tokugawa par sa mère, garantissant ainsi une certaine stabilité. En réalité, le pouvoir était assuré par son père en raison de son jeune âge. Elle abdique en 1643 en faveur de son demi-frère né de l’empereur Go-Mizunoo, l’empereur Go-Komei (règne 1633 - 1654).
- Impératrice Go-Sakuramachi (née en 1740 - 1813, règne 1762 - 1770) : 117ème impératrice et dernière femme-empereur du Japon, fille de l’empereur Sakuramachi. Là encore, l’impératrice agit en tant que régente en attendant que le successeur désigné soit en âge de régner et abdique en sa faveur. Celui-ci, Go-Momozono décède sans laisser de fils et c’est Go-Sakuramachi, en tant qu’empereur retiré daijo tenno qui désigne le futur empereur Kokaku, qui est l’ancêtre de l’empereur actuel.
Ces femmes, qu’elles soient impératrices retirées ou douairières, généralement devenue nonnes bouddhistes, peuvent conserver un rôle influent bien au-delà de leurs années de règne. D’autres sont influentes même en tant que simples épouses, comme les hommes. On peut citer par exemple :
- Tokugawa Kazuko (ou Tofukumon-in, 1607 - 1678), l’épouse de Go-Mizunoo (père de l’impératrice Meisho) et mère de l’impératrice Meisho, qui continuera d’influencer la Cour sous les règnes des 3 empereurs fils de Go-Mizunoo : Go-Komyo, Go-Sai et Reigen qui se sont succédé entre 1643 et 1687.
Durant l’époque féodale, les femmes de l’aristocratie ou de la classe des guerriers pouvaient avoir de l’influence grâce aux politiques matrimoniales, agissant parfois en tant qu’intermédiaire entre les factions ; on pense notamment à :
- Oichi (1547 - 1583), la sœur cadette d’Oda Nobunaga ;
- ses filles Yodo-dono (1569 - 1615), Ohatsu (1570 - 1633) et Oeyo (1573 - 1626) qui ont été liées aux Toyotomi et aux Tokugawa ;
- ou encore Kodai-in (Nene / Kita no Mandokoro, 1541 - 1624), l’épouse officielle de Toyotomi Hideyoshi qui gérait les relations avec la Cour Impériale notamment.
Les Onna-bugeisha : les femmes-samouraïs
Le terme de onna-bugeisha ("femme-samouraï") s’applique à de nombreuses figures féminines guerrières entre le XIIe et la fin du XIXe siècles, dont certaines au statut semi-légendaire comme Tomoe Gozen (1157-1247), devenue un personnage du Heike Monogatari, issues de la classe des Bushi qui prend le pouvoir à partir du XIIe siècle. On peut citer sans exhaustivité :
- Hojo Masako (1156 - 1225), connue pour être l’épouse de Minamoto no Yoritomo, le premier shogun de l’époque de Kamakura (1192 - 1199) et mère des 2 shoguns suivants, elle était aussi surnommée Ama-shogun (la "nonne-shogun") pour son rôle politique décisif dans la prise de pouvoir du clan Hojo sur la lignée des shogun de Kamakura.
- Ashikaga Ujihime (1574 - 1620), qui s’est retrouvée à la tête du domaine de Koga (actuelle préfecture d’Ibaraki), jouant un rôle crucial dans le contrôle de la région du Kanto.
- Ii Naotora (naissance inconnue - 1582) est une daimyo de la période Sengoku dont le territoire était située autour de Hamamatsu, dans la région de Shizuoka. Elle était la fille et le seul enfant de Ii Naomori, la 18ème tête du clan Ii.
- Ikeda Sen (naissance vers 1563 ? - 1599), qui se serait assuré la conservation de son statut de daimyo grâce à son unité d’artillerie composée de 200 femmes, après une démonstration de leur habileté face à des envoyés des Tokugawa. Sa famille était au service des Oda.
- Ou encore Nakano Takeko (1847 - 1868) qui a combattu pendant la guerre de Boshin à la tête d’une unité entièrement féminine.
L’avènement de l’empereur Meiji modifie cependant le rôle politique des personnalités féminines.
Meiji et le durcissement de la condition féminine
Le début de l’ère Meiji (1868 - 1912), et en particulier sa 1ère décennie, ouvre la porte aux réflexions politiques et sociales à tous les niveaux de la société. Ainsi émerge un Mouvement pour les Libertés et les Droits du Peuple, qui aboutit à la création des premiers partis politiques dont les activités forcent le gouvernement Meiji à se positionner sur son cadre institutionnel, en promulguant une Constitution le 11 février 1889.
Les femmes sont naturellement actrices de ce mouvement : elles assistent aux réunions et y prennent la parole (Kishida Toshiko, Fukuda Hideko) pour réclamer l’égalité des droits économiques, politiques et dans la famille entre hommes et femmes, ainsi que le droit à une éducation. Toutefois, dès 1890 le gouvernement interdit tout rassemblement politique, et aux femmes toute participation à de tels événements. En 1898, le code civil place les femmes sous l’autorité du chef de famille, leur déniant leurs droits fondamentaux.
Interdites de représentation politique, les femmes se tournent vers l’éducation et la littérature pour s’exprimer, ce qui est permis par les intérêts concordants des mouvements féministes et du gouvernement :
- la recherche d’émancipation pour les femmes ;
- la volonté de constituer une population féminine de "bonnes épouses, bonnes mères" capable d’élever un peuple correspondant aux idéaux nationalistes du début du XXe siècle.
S’il accusait un retard initial pour les filles, le taux de scolarisation atteint presque 100 % de la population à la fin de l’ère Meiji, et la scolarité obligatoire dure 6 ans. Les femmes restent exclues de l’enseignement supérieur général, mais des universités leur sont réservées comme l’Université Tsuda, fondée en 1900 par Tsuda Umeko (1864 - 1929) envoyée aux États-Unis à l’âge de 6 ans dans le cadre de la mission Iwakura (1871).
Les médias de masse s’adressent directement aux femmes par l’intermédiaire de revues aux sujets diamétralement opposés : certaines traitent de la gestion du foyer comme le mensuel Shufu no tomo ("l’ami de la ménagère" 1917 - 2008) dans la lignée des consignes gouvernementales, d’autres abordent les droits des femmes. Dans cette dernière catégorie, la revue Seito ("Bas-bleus", 1911 - 1916) est une base fondamentale de débats sur la condition féminine. Créée par 6 femmes (Raicho Hiratsuka, Yoshiko Yasumochi, Kazuko Mozume, Teiko Kiuchi, Hatsuko Nakano et Fukuda Hideko) toutes diplômées de l’Université pour femmes du Japon (Nihon Joshi Daigaku), elle aborde tous les sujets :
- égalité homme-femme,
- droit de vote,
- sexualité,
- contraception,
- maternité,
- prostitution,
- place de la femme dans la société,
- etc.
Certains sujets abordés très sensibles lui attirent les foudres de la censure et quelques numéros sont retirés de la vente.
En général, les mouvements féministes japonais du début du XXe siècle soutiennent ou partagent des revendications avec les mouvements socialistes, communistes ou anarchistes et plutôt anti-capitalistes, ce qui leur vaut d’être réprimés assez durement. La Diète rejette fermement toute idée de suffrage féminin en 1925, et dans le courant des années 1930, les opposants sont soit réduits au silence, soit gagnés par les vues nationalistes et expansionnistes du gouvernement impérial.
Nouveaux droits des femmes après-guerre
Avec la capitulation du Japon et l’occupation américaine, les femmes gagnent le droit d’être représentées politiquement : elles obtiennent le droit de vote et d’éligibilité. Elles s’expriment pour la 1ère fois aux Élections législatives japonaises de 1946, où 39 femmes sont élues députées et composent ainsi un peu plus de 8 % de la Chambre des représentants.
La nouvelle Constitution entrée en application en 1947 est connue pour son article 9 déclarant la renonciation du Japon à la guerre, mais elle est aussi fondamentale pour les droits des femmes. Elle établit notamment l’égalité devant la loi des hommes et des femmes, refuse toute discrimination basée sur le genre ou la classe sociale, interdit l’esclavage, introduit la notion de droit des travailleurs ou encore garantit la liberté d’expression, de réunion et d’opinion, de nombreuses revendications exprimées depuis le début du XXe siècle.
Cependant, les progrès sont lents puisque les femmes n’entrent au gouvernement qu’à partir des années 1960, avec :
- Nakayama Masa (1891 - 1976), nommée ministre de la Santé, du Travail et des Affaires sociales dans le premier gouvernement de Hayato Ikeda en 1960 ;
- Kondo Tsuruyo (1901 - 1970), nommée présidente de la Commission japonaise de l'énergie atomique et directrice de l'Agence japonaise de la science et de la technologie, dans le gouvernement de Ikeda Hayato en 1962 ;
- puis Ishimoto Shigeru (1913 - 2007), nommée ministre de l’environnement en 1984 (!) dans le cabinet de Nakasone Yasuhiro.
La situation évolue un peu plus positivement dans les années 1990 : on peut notamment citer Doi Takako (1928 - 2014), 1ère femme présidente de son parti, le Parti Socialiste Japonais, en 1986, et qui devient présidente de la Chambre des Représentants entre 1993 et 1996, la plus haute fonction alors exercée par une femme.
Il faut attendre les années 2000 pour que des postes ministériels-clés comme la Justice (Mayumi Moriyama, 2001), les Affaires étrangères (Tanaka Makiko, 2001) ou la Défense (Koike Yuriko, 2007) soient offerts à des femmes.
C’est le premier gouvernement Koizumi (2001 - 2003) qui est le 1er à accueillir un nombre record de 5 femmes sur 18 membres :
- Mayumi Moriyama, Ministre de la Justice (2001 - 2003) ;
- Makiko Tanaka, Ministre des Affaires étrangères (2001 - 2002) ; succédée par Yoriko Kawaguchi (2002 - 2004) ;
- Atsuko Toyama, Ministre de l’Éducation, de la culture, des sports et des sciences et technologies (2001 - 2003) ;
- Chikage Ogi, Ministre du Territoire, des infrastructures, du transport et du tourisme (2001 - 2003) ;
- Yoriko Kawaguchi, Ministre de l’environnement (2001 - 2002).
Un plafond de verre bien réel
Cependant, parmi les cabinets formés par la suite, seuls ceux des gouvernements Abe entre 2012 et 2020 font appel à un nombre équivalent de femmes, souvent choisies dans le même panel de femmes politiques, de la même façon que les hommes. Entre 2009 et 2012, la brève incursion au pouvoir du Parti Démocrate du Japon a permis l’entrée d’un plus grand nombre de femmes politiques à la Diète (40 des 44 femmes élues à la Chambre des représentants), mais seules 4 ont pu faire partie des différents cabinets de cette période.
Si les femmes japonaises sont de plus en plus tentées d’entrer en politique, les obstacles sont bien concrets, à commencer par les besoins en financement et en notoriété. Pour les femmes comme pour les hommes, le milieu politique au niveau national est monopolisé par des personnalités issues de milieux aisés et / ou de dynasties politiques (Abe, Koizumi, Tanaka), ou ayant obtenu une reconnaissance par leur passage à la télévision en tant qu’actrices, sportives ou journalistes.
Un autre obstacle est social : l’idée que les femmes doivent avant tout s’occuper du foyer et que la politique est un métier d’homme. Néanmoins, les femmes s’engagent davantage au niveau local et leur représentation a doublé entre 2001 et 2021 dans les assemblées, pour atteindre 14,5%.
Si le Japon figure toujours en bas des classements internationaux concernant l’égalité des genres et la représentation féminine en politique, les grands partis commencent à s’intéresser aux femmes pour 2 raisons :
- elles ont tendance à plus voter que leurs homologues masculins ;
- elles tendent à préférer les candidats "sans étiquette" ou à se présenter en candidates indépendantes, qui constituent entre 30 et 50% de l’électorat et donc des voix à capter.
Les progrès sont lents : en 2018, le gouvernement a adopté une loi pour "promouvoir la participation commune des hommes et des femmes dans le domaine politique", qui n’a toutefois pas de caractère contraignant. Ainsi aux élections législatives de 2021, seules 45 femmes ont été élues (sur 465 sièges) mais en 2024, ce sont 73 femmes qui ont intégré le Parlement.
Les femmes politiques qui ont le vent en poupe
Plusieurs femmes politiques font la une au Japon pour leur accession à un poste prestigieux, leur longévité, ou leurs prises de positions. Voici une sélection non-exhaustive de celles qui ont retenu notre attention :
Yuriko Koike
Née en 1952, elle a longtemps été affiliée au Parti Libéral Démocrate, de tendance de droite conservatrice. Interprète de l’arabe, elle a aussi effectué une carrière à la télévision où elle a pu interviewer des personnalités politiques du Moyen-Orient telles que Yasser Arafat ou Mouammar Khadafi en 1978 pour Nippon TV. Pendant 13 ans, elle présente ensuite des émissions de débats politiques ou sur des thèmes d’actualité et d’économie.
Parallèlement, elle entre en politique dans les années 1990 en rejoignant les instances dirigeantes du Nouveau Parti du Japon, et est élue à la Chambre des Conseillers de la Diète japonaise en 1992. Son début de carrière politique s’effectue essentiellement dans des partis d’opposition au PLD et plutôt réformateurs.
Elle finit par rejoindre le PLD en 2002 et soutient le Premier Ministre Junichiro Koizumi, qui la nomme Ministre de l’Environnement de 2003 à 2006. Entre 2004 et 2006, elle a également occupé le poste sensible de ministre d'État chargé des Affaires d'Okinawa et des Territoires du Nord. Shinzo Abe la nomme Ministre de la défense en 2007, faisant d’elle la 1ère femme à occuper ce poste au Japon 📮. Elle brigue ensuite sans succès la tête du PLD et continue de travailler auprès de Shinzo Abe.
En 2016, elle est la 1ère femme élue gouverneure de Tokyo, après s’être présentée en tant qu’indépendante face à un candidat du PLD. Elle est réélue en 2020 et en 2024.
Yuriko Koike est une personnalité très à l’aise avec les médias et une grande communicante. Elle n’hésite pas à mettre en avant son statut de femme lorsqu’elle se présente à une élection et a adopté plusieurs mesures en faveur des femmes et en particulier des mères, en rendant les crèches gratuites. Sensible aux questions environnementales, elle a mis en place en 2005 la mesure Cool Biz pour lutter contre le réchauffement climatique, et a repoussé le déménagement du marché de Tsukiji à Toyosu pour des raisons de sécurité.
Renho
Née en 1967, membre du Parti Démocrate Constitutionnel, au centre-gauche de l’échiquier politique japonais. Son nom complet est Renho Saito, mais elle s’est toujours présentée uniquement sous son prénom. Issue d’un milieu aisé, son père était un commerçant taïwanais et sa mère japonaise était mannequin.
Renho elle-même entame une carrière de mannequin et d’actrice au milieu des années 1980, puis devient animatrice d’émissions de divertissement à la TV, notamment aux côtés de Takeshi Kitano, puis elle bifurque sur la présentation d’émissions d’information.
Elle est élue pour la 1ère fois à la Chambre des Conseillers en 2004 et participe aux cabinets Kan et Noda entre 2009 et 2012, notamment en tant que ministre chargée de la Revitalisation du gouvernement. Elle gagne la présidence du Parti Démocrate Progressiste en 2016 et 2017, ce qui fait d’elle la 1ère femme cheffe de l’opposition parlementaire. Elle s’est présentée en 2024 à l’élection au poste de gouverneur de Tokyo, sans succès face à Yuriko Koike.
Renho est très impliquée dans les questions de parentalité et ses origines taïwanaises la poussent à être très critique au sujet de l’attitude de la diplomatie japonaise, qu’elle estime trop laxiste vis-à-vis de la Chine et son refus de reconnaître Taïwan.
Seiko Noda
Née en 1960, elle est affiliée au Parti Libéral Démocrate. Petite-fille d’un ancien ministre, elle se lance en politique en 1987, où elle devient la plus jeune élue de l’assemblée départementale de Gifu. Elle est élue pour la 1ère fois à la Chambre des représentants en 1993 et est nommée ministres des Postes et des Télécommunications en 1998, où elle est encore la benjamine.
En 2006, elle rejoint l’entourage de Shinzo Abe et occupe plusieurs postes ministériels jusqu’en 2022. En 2017-2018, elle est nommée Ministre d'État chargée de l'égalité hommes-femmes et des mesures contre la dénatalité, et reprend un poste similaire en 2022 dans le gouvernement Kishida.
En 2021, elle se présente à l’élection de la présidence du PLD, face à Fumio Kishida, Taro Kono et (déjà) Sanae Takaichi, dans le but de rendre les femmes plus visibles au sein du gouvernement et de la société, mais aussi de représenter la diversité de son parti dont elle incarne une branche plus progressiste.
Seiko Noda œuvre à promouvoir la participation des femmes dans la vie politique japonaise, notamment par l’instauration de quotas. Elle s’intéresse également aux populations les plus fragiles (les personnes âgées ou handicapées) et est favorable à la reconnaissance du mariage homosexuel au Japon.
Sanae Takaichi
Née en 1961, Sanae Takaichi est depuis le 4 octobre 2025 la 1ère femme présidente du Parti Libéral Démocrate et potentielle 1ère femme à accéder au poste de Premier Ministre du Japon.
Après des études en politique et management, elle entre brièvement à la télévision à la fin des années 1980 comme présentatrice d’émissions d’information et de divertissement, avant de bifurquer sur une carrière d’enseignement universitaire qu’elle va mener de front avec ses engagements politiques.
Elle est élue pour la 1ère fois aux élections législatives de 1993 en tant qu’indépendante. Elle s’affilie brièvement au parti Shishinto (Parti de la Nouvelle Frontière) avant de rejoindre le PLD. Elle est nommée secrétaire parlementaire chargée de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie en 1998, puis en 2002 elle devient vice-ministre chargée de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie, un poste qu’elle occupe de nouveau en 2007 et 2008.
Parallèlement, elle grimpe les échelons au sein du PLD et occupe plusieurs postes ministériels au sein des différents cabinets Abe et suivants jusqu’en 2024. Elle sera notamment :
- ministre d'État chargée d'Okinawa et aux Territoires du Nord,
- ministre d'État chargée de la Politique scientifique et Technologie,
- ministre d'État chargée de l'Innovation,
- ministre d'État chargée de la Natalité et l'Égalité des sexes,
- et ministre d'État chargée la Sécurité alimentaire.
En 2014, elle est la 1ère femme à accéder au poste de ministre des Affaires intérieures et des Communications. Dès 2021, elle se présente aux élections de la présidence du PLD, puis en 2024 et finit par être élue en 2025.
Sa jeunesse rebelle de motarde batteuse dans un groupe de heavy metal contraste avec ses positions très conservatrices, même pour son parti, notamment sur le plan sociétal où elle s’oppose au mariage pour tous et à l’immigration. De plus, elle affiche une attitude révisionniste quant à la Seconde Guerre mondiale et soutient les visites gouvernementales au sanctuaire Yasukuni-jinja, sources de frictions avec de nombreux pays asiatiques.
Les femmes japonaises commencent à se distinguer en politique, présentant diverses facettes du pays, mais leurs convictions ne sont pas forcément liées au féminisme dont elles ont d’ailleurs chacune une définition différente. Beaucoup reste à faire pour que leur nombre augmente, en particulier face au harcèlement, insultes ou menaces qu’elles peuvent subir de la part de leurs confrères comme d’électeurs lambda. Dans une société encore très misogyne, elles sont aussi davantage scrutées que leur homologues masculins et la moindre occasion est saisie pour les attaquer, comme cela est arrivée à une députée japonaise en voyage officiel à Paris, qui avait osé faire une photo décontractée devant la Tour Eiffel.
Les femmes de la société civile œuvrent aussi à leur niveau pour faire évoluer les mentalités, comme on le voit avec le mouvement MeToo porté en partie par l’affaire du viol de Shiori Ito, ou l’action anti-raciste et pour la santé mentale menée par la tenniswoman Naomi Osaka.
Pour l'anecdote, le 19 juillet est le "jour de la femme-ministre" (女性大臣の日 Josei Daijin no Hi) et commémore la prise de poste en 1960 de Nakayama Masa, la 1ère femme à accéder à un poste ministériel au Japon.