Hamarikyu Tsukimi Sanpo (Tokyo), façade du pavillon de thé Tsubame-no-Ochaya éclairée par une lune dorée avec un lapin

Tsukimi

🎑 La contemplation de la belle lune d’automne 

⏱ 7 minutes

Tsukimi dĂ©signe la coutume d’observer la pleine lune d’automne au Japon, qui a lieu chaque annĂ©e Ă  une date variable entre mi-septembre et dĂ©but octobre. Deux soirĂ©es sont particuliĂšrement importantes et dĂ©terminĂ©es par l’ancien calendrier luni-solaire Koyomi : Jugoya considĂ©rĂ©e comme la plus belle lune de l’annĂ©e et, environ un mois plus tard, Jusanya. Cette derniĂšre est une habitude typiquement japonaise, et il est de bon augure d’assister aux 2 soirĂ©es.

O Tsukimi (ăŠæœˆèŠ‹ "observer la Lune") 🎑 est une coutume ancienne qui consiste Ă  observer la pleine lune 🌕 du 15Ăšme jour du 8Ăšme mois, selon l’ancien calendrier luni-solaire. Cette pratique est aussi nommĂ©e Kangetsu (èŠłæœˆ "apparence de la Lune"). Sa date varie chaque annĂ©e entre la mi-septembre et dĂ©but octobre et est Ă©tablie en fonction du calendrier saisonnier Koyomi.

La Lune est un astre important dans toute l’Asie, et particuliĂšrement en Chine oĂč la fĂȘte de la lune (ou fĂȘte de la mi-automne) est presque aussi importante que le Nouvel An aujourd’hui encore.

Au Japon, l’observation de la Lune a la particularitĂ© de se dĂ©rouler en 2 temps.

đŸŒŸ Les origines de Tsukimi

La fĂȘte de la lune est une cĂ©lĂ©bration de la fin des rĂ©coltes d’automne en provenance de Chine, introduite Ă  la Cour ImpĂ©riale japonaise autour des IX-XĂšme siĂšcles. Les aristocrates de Heian organisaient pour cette occasion des banquets appelĂ©s Kangetsu-kai. L’évĂ©nement avait lieu autour de leurs jardins et l’on y admirait le reflet de la lune dans le plan d’eau qui servait aussi Ă  la navigation en barque. Les convives composaient des poĂšmes waka, tout en dĂ©gustant du sakĂ©Â đŸ¶.

Ce n’est qu’à partir du dĂ©but de l’époque Edo que la coutume se popularise. Comme la date du 15Ăš jour du 8Ăšme mois correspondait au dĂ©but de la pĂ©riode de rĂ©colte, c’était aussi une façon de cĂ©lĂ©brer l’abondance.

Les modalitĂ©s et symboles de la fĂȘte continuent d’évoluer et, de nos jours, les observateurs se sont dĂ©tachĂ©s du reflet de la lune pour observer l’astre directement.

Hamarikyu Tsukimi Sanpo (Tokyo), façade du pavillon de thé Tsubame-no-Ochaya éclairée par une lune dorée avec un lapin 2

🌕 Les dates de Tsukimi

Au Japon, O Tsukimi est célébré chaque année en 2 temps : Jugoya puis, environ 1 mois plus tard, Jusanya.

La premiĂšre cĂ©lĂ©bration, Jugoya (捁äș”ć€œ qui signifie "15Ăšme nuit"), est aussi nommĂ©e "belle lune du milieu de l’automne" (äž­ç§‹ăźćæœˆ chushu no meigetsu) car cette soirĂ©e est considĂ©rĂ©e comme le moment oĂč l’on peut admirer la plus belle lune de l’annĂ©e. La contemplation s’étend gĂ©nĂ©ralement sur quelques soirĂ©es, car si la lune est censĂ©e ĂȘtre pleine lors de la 15Ăšme nuit du 8Ăšme mois, ce n’est pas toujours le cas et l’on peut commencer l’observation lorsqu’elle est aux 3/4 pleine. Comme cette pĂ©riode correspond Ă  celle de la rĂ©colte du taro (satoimo en japonais), un tubercule qui ressemble Ă  la patate douce 🍠, on parle aussi de Imo meigetsu (èŠ‹ćæœˆ).

La 2nde observation de la Lune a lieu environ 1 mois plus tard : il s’agit de Jusanya (ćäž‰ć€œ "13e nuit") c’est-Ă -dire la 13Ăšme nuit du 9Ăšme mois de l’ancien calendrier luni-solaire, qui marque la fin des rĂ©coltes d’automne. Ainsi, elle est aussi appelĂ©e Kuri meigetsu (æ —ćæœˆ) ou Mame meigetsu (è±†ćæœˆ) en rĂ©fĂ©rence respectivement aux rĂ©coltes de chĂątaignes 🌰 et de pois de soja edamame đŸ«›. On l’appelle aussi Nochi no tsuki (ćŸŒăźæœˆ), la "lune d’aprĂšs". Cette tradition est typiquement japonaise et n’existe pas dans les autres rĂ©gions pratiquant O Tsukimi.

Une tradition rĂ©cente, nĂ©e dans les anciens quartiers des plaisirs, recommande d’observer la Lune en ces deux occasions. Pour ne pas les rater, voici les prochaines dates de Tsukimi :

  • en 2025 : Jugoya le lundi 6 octobre ; Jusanya, le dimanche 2 novembre ;
  • en 2026 : Jugoya le vendredi 25 septembre ; Jusanya le vendredi 23 octobre ;
  • en 2027 : Jugoya le mercredi 15 septembre ; Jusanya le mardi 12 octobre ;
  • en 2028 : Jugoya le mardi 3 octobre ; Jusanya le lundi 30 octobre ;
  • en 2029 : Jugoya le samedi 22 septembre ; Jusanya le samedi 20 octobre.

Hamarikyu Tsukimi Sanpo (Tokyo), autel d'offrandes pour Tsukimi 2

🍡 Comment fĂȘte-t-on Tsukimi

Tsukimi est une occasion de se rassembler, le plus souvent en petit comitĂ©, pour passer la soirĂ©e Ă  observer l’astre lunaire, tout en savourant du sakĂ©. Le lieu choisi est dĂ©corĂ© de tiges de susuki ou herbes de la pampa, prĂ©sentĂ©es en chiffres impairs (par 3 ou par 7) dans un vase, ou en composition florale avec les 6 autres fleurs d’automne (lespĂ©dĂšze, kudzu, Ɠillet, eupatoire, campanule et dentelle d’or). Le plumeau du susuki rappelle la forme de l’épi de riz qu’il a progressivement remplacĂ©, et l'on attribue Ă  la plante la capacitĂ© de connecter avec le divin et d’éloigner les maux et les dĂ©sastres.

Autre dĂ©coration symbolique pour Tsukimi : les tsukimi dango 🍡, des petits mochi de riz dont la forme Ă©voque celle de la lune. Les pĂątisseries sont disposĂ©es en pyramide par 12 ou par 13 selon le nombre de mois de l’annĂ©e lunaire en cours.

Autrefois se pratiquait la coutume du O Tsukimi dorobo (le chapardage de tsukimi) : des tsukimi dango Ă©taient disposĂ©s en Ă©vidence Ă  l’entrĂ©e des maisons ou au bord de leur vĂ©randa intĂ©rieure engawa, dans une sorte de jeu oĂč les enfants venaient chaparder les friandises pour les manger. Plus la quantitĂ© de dango "disparus" Ă©tait grande, meilleure Ă©tait la chance de la maisonnĂ©e.

En outre, on prĂ©pare traditionnellement du taro en fondue, et l’on dĂ©guste d’autres fruits et lĂ©gumes de saison comme les chĂątaignes, les fĂšves edamame, ou encore le potiron.

Depuis quelques annĂ©es, en cette pĂ©riode de dĂ©but d’automne au Japon 🍁, les restaurants proposent des plats en Ă©dition limitĂ©e tsukimi ryori (月芋料理 cuisine de Tsukimi), contenant souvent des Ɠufs. Ceux-ci sont symboliquement associĂ©s Ă  la lune : le jaune reprĂ©sente la pleine lune et le blanc les nuages qui passent devant. Ainsi on trouve :

  • des tsukimi udon, un bol de nouilles udon surmontĂ© d’un Ɠuf cru. Il existe des dĂ©clinaison avec les autres types de pĂątes ;
  • le tsukimi burger, servi dans les fast-foods, est un sandwich dont la garniture habituelle est agrĂ©mentĂ©e d’un Ɠuf au plat.

Meigetsu-in (Kamakura), statues de lapin symbole de Tsukimi dans le jardin intérieur du temple

🐇 Le folklore associĂ© Ă  la lune d’automne

Les cĂ©lĂ©brations de la belle lune d’automne sont Ă©troitement associĂ©es au lapin 🐇. En Asie, on voit en effet sur la surface de la lune la silhouette du petit animal en train de piler du riz dans un mortier pour fabriquer du mochi. Cette image fait rĂ©fĂ©rence Ă  une ancienne lĂ©gende indienne oĂč un lapin se sacrifie pour sauver un vieil homme de la faim. Or, le vieillard Ă©tait en rĂ©alitĂ© un dieu, qui, Ă©mu par le geste du lapin, lui dĂ©die l’astre de la nuit. La tradition du lapin fabricant du mochi viendrait du nom de cette action en japonais : mochitsuki (é€…ă€ă) qui ressemble phonĂ©tiquement Ă  un autre nom de la pleine lune de Jugoya : mochizuki (望月).

Une autre lĂ©gende cĂ©lĂšbre associĂ©e Ă  la lune est celle du Conte du coupeur de bambou (Taketori monogatari). Un couple de vieillards Ă©lĂšve un bĂ©bĂ© recueilli dans une canne de bambou. Cette jeune fille mystĂ©rieuse prĂ©tend venir de "la capitale de la lune" et, aprĂšs de nombreuses pĂ©ripĂ©ties, est finalement emportĂ©e vers l’astre lunaire. Cette histoire a notamment Ă©tĂ© adaptĂ©e par Isao Takahata dans son long mĂ©trage Le Conte de la princesse Kaguya (Kaguya-hime no monogatari) sorti en 2013.

S’appuyant sur ce conte bien connu des enfants japonais, le Japon a aussi nommĂ© "Kaguya" sa premiĂšre mission spatiale lunaire (2007 - 2009).

Hamarikyu Tsukimi Sanpo (Tokyo), façade du pavillon de thé Matsu-no-Ochaya éclairée par une lune bleue

🌃 OĂč voir O Tsukimi

Autrefois, les nobles et l’entourage de l’empereur observaient la lune d’automne du jardin sophistiquĂ© de leurs rĂ©sidences : par exemple au Daikaku-ji, au bord de l’étang Ozawa, ou encore depuis la plate-forme Tsukimidai de la Villa ImpĂ©riale Katsura Rikyu.
Aujourd’hui, on peut profiter de l’éclat de la pleine lune du cĂŽtĂ© d’Arashiyama Ă  Kyoto, ou encore au bord de l’étang Shinobazu du Parc de Ueno Ă  Tokyo. La plage 🏖 de Katsurahama, au sud de l’üle de Shikoku, est rĂ©putĂ©e pour sa vue sur la lune.

Pour une expĂ©rience unique de l’observation de la lune, le jardin japonais Hama-Rikyu, situĂ© au bord de la baie de Tokyo, propose des balades nocturnes pendant quelques soirĂ©es autour de la 2nde lune Jusan’ya, lors d’un Ă©vĂ©nement saisonnier appelĂ© Hamarikyu Tsukimi Sanpo.

Plusieurs autres jardins ou temples Ă©tendent leurs horaires d’ouverture, pour proposer quelques soirĂ©es de Tsukimi no Kai pour la 1Ăšre lune : Mukojima Hyakkaen Ă  Tokyo ou le temple Ishiyama-dera Ă  Otsu.

Enfin, les quartiers chinois Chukagai de Yokohama et Nagasaki ou encore Nankinmachi à Kobe proposent menus spéciaux et événements pendant la période de Tsukimi, entre la mi-septembre et début octobre.

Mis Ă  jour le 06 octobre 2025