Tsukimi
đ La contemplation de la belle lune dâautomneÂ
Tsukimi dĂ©signe la coutume dâobserver la pleine lune dâautomne au Japon, qui a lieu chaque annĂ©e Ă une date variable entre mi-septembre et dĂ©but octobre. Deux soirĂ©es sont particuliĂšrement importantes et dĂ©terminĂ©es par lâancien calendrier luni-solaire Koyomi : Jugoya considĂ©rĂ©e comme la plus belle lune de lâannĂ©e et, environ un mois plus tard, Jusanya. Cette derniĂšre est une habitude typiquement japonaise, et il est de bon augure dâassister aux 2 soirĂ©es.
O Tsukimi (ăæèŠ "observer la Lune") đ est une coutume ancienne qui consiste Ă observer la pleine lune đ du 15Ăšme jour du 8Ăšme mois, selon lâancien calendrier luni-solaire. Cette pratique est aussi nommĂ©e Kangetsu (èŠłæ "apparence de la Lune"). Sa date varie chaque annĂ©e entre la mi-septembre et dĂ©but octobre et est Ă©tablie en fonction du calendrier saisonnier Koyomi.
La Lune est un astre important dans toute lâAsie, et particuliĂšrement en Chine oĂč la fĂȘte de la lune (ou fĂȘte de la mi-automne) est presque aussi importante que le Nouvel An aujourdâhui encore.
Au Japon, lâobservation de la Lune a la particularitĂ© de se dĂ©rouler en 2 temps.
đŸ Les origines de Tsukimi
La fĂȘte de la lune est une cĂ©lĂ©bration de la fin des rĂ©coltes dâautomne en provenance de Chine, introduite Ă la Cour ImpĂ©riale japonaise autour des IX-XĂšme siĂšcles. Les aristocrates de Heian organisaient pour cette occasion des banquets appelĂ©s Kangetsu-kai. LâĂ©vĂ©nement avait lieu autour de leurs jardins et lâon y admirait le reflet de la lune dans le plan dâeau qui servait aussi Ă la navigation en barque. Les convives composaient des poĂšmes waka, tout en dĂ©gustant du saké đ¶.
Ce nâest quâĂ partir du dĂ©but de lâĂ©poque Edo que la coutume se popularise. Comme la date du 15Ăš jour du 8Ăšme mois correspondait au dĂ©but de la pĂ©riode de rĂ©colte, câĂ©tait aussi une façon de cĂ©lĂ©brer lâabondance.
Les modalitĂ©s et symboles de la fĂȘte continuent dâĂ©voluer et, de nos jours, les observateurs se sont dĂ©tachĂ©s du reflet de la lune pour observer lâastre directement.
đ Les dates de Tsukimi
Au Japon, O Tsukimi est célébré chaque année en 2 temps : Jugoya puis, environ 1 mois plus tard, Jusanya.
La premiĂšre cĂ©lĂ©bration, Jugoya (ćäș〠qui signifie "15Ăšme nuit"), est aussi nommĂ©e "belle lune du milieu de lâautomne" (äžç§ăźćæ chushu no meigetsu) car cette soirĂ©e est considĂ©rĂ©e comme le moment oĂč lâon peut admirer la plus belle lune de lâannĂ©e. La contemplation sâĂ©tend gĂ©nĂ©ralement sur quelques soirĂ©es, car si la lune est censĂ©e ĂȘtre pleine lors de la 15Ăšme nuit du 8Ăšme mois, ce nâest pas toujours le cas et lâon peut commencer lâobservation lorsquâelle est aux 3/4 pleine. Comme cette pĂ©riode correspond Ă celle de la rĂ©colte du taro (satoimo en japonais), un tubercule qui ressemble Ă la patate douce đ , on parle aussi de Imo meigetsu (èćæ).
La 2nde observation de la Lune a lieu environ 1 mois plus tard : il sâagit de Jusanya (ćäžć€ "13e nuit") câest-Ă -dire la 13Ăšme nuit du 9Ăšme mois de lâancien calendrier luni-solaire, qui marque la fin des rĂ©coltes dâautomne. Ainsi, elle est aussi appelĂ©e Kuri meigetsu (æ ćæ) ou Mame meigetsu (è±ćæ) en rĂ©fĂ©rence respectivement aux rĂ©coltes de chĂątaignes đ° et de pois de soja edamame đ«. On lâappelle aussi Nochi no tsuki (ćŸăźæ), la "lune dâaprĂšs". Cette tradition est typiquement japonaise et nâexiste pas dans les autres rĂ©gions pratiquant O Tsukimi.
Une tradition rĂ©cente, nĂ©e dans les anciens quartiers des plaisirs, recommande dâobserver la Lune en ces deux occasions. Pour ne pas les rater, voici les prochaines dates de Tsukimi :
- en 2025 : Jugoya le lundi 6 octobre ; Jusanya, le dimanche 2 novembre ;
- en 2026 : Jugoya le vendredi 25 septembre ; Jusanya le vendredi 23 octobre ;
- en 2027 : Jugoya le mercredi 15 septembre ; Jusanya le mardi 12 octobre ;
- en 2028 : Jugoya le mardi 3 octobre ; Jusanya le lundi 30 octobre ;
- en 2029 : Jugoya le samedi 22 septembre ; Jusanya le samedi 20 octobre.
đĄ Comment fĂȘte-t-on Tsukimi
Tsukimi est une occasion de se rassembler, le plus souvent en petit comitĂ©, pour passer la soirĂ©e Ă observer lâastre lunaire, tout en savourant du sakĂ©. Le lieu choisi est dĂ©corĂ© de tiges de susuki ou herbes de la pampa, prĂ©sentĂ©es en chiffres impairs (par 3 ou par 7) dans un vase, ou en composition florale avec les 6 autres fleurs dâautomne (lespĂ©dĂšze, kudzu, Ćillet, eupatoire, campanule et dentelle dâor). Le plumeau du susuki rappelle la forme de lâĂ©pi de riz quâil a progressivement remplacĂ©, et l'on attribue Ă la plante la capacitĂ© de connecter avec le divin et dâĂ©loigner les maux et les dĂ©sastres.
Autre dĂ©coration symbolique pour Tsukimi : les tsukimi dango đĄ, des petits mochi de riz dont la forme Ă©voque celle de la lune. Les pĂątisseries sont disposĂ©es en pyramide par 12 ou par 13 selon le nombre de mois de lâannĂ©e lunaire en cours.
Autrefois se pratiquait la coutume du O Tsukimi dorobo (le chapardage de tsukimi) : des tsukimi dango Ă©taient disposĂ©s en Ă©vidence Ă lâentrĂ©e des maisons ou au bord de leur vĂ©randa intĂ©rieure engawa, dans une sorte de jeu oĂč les enfants venaient chaparder les friandises pour les manger. Plus la quantitĂ© de dango "disparus" Ă©tait grande, meilleure Ă©tait la chance de la maisonnĂ©e.
En outre, on prĂ©pare traditionnellement du taro en fondue, et lâon dĂ©guste dâautres fruits et lĂ©gumes de saison comme les chĂątaignes, les fĂšves edamame, ou encore le potiron.
Depuis quelques annĂ©es, en cette pĂ©riode de dĂ©but dâautomne au Japon đ, les restaurants proposent des plats en Ă©dition limitĂ©e tsukimi ryori (æèŠæç cuisine de Tsukimi), contenant souvent des Ćufs. Ceux-ci sont symboliquement associĂ©s Ă la lune : le jaune reprĂ©sente la pleine lune et le blanc les nuages qui passent devant. Ainsi on trouve :
- des tsukimi udon, un bol de nouilles udon surmontĂ© dâun Ćuf cru. Il existe des dĂ©clinaison avec les autres types de pĂątes ;
- le tsukimi burger, servi dans les fast-foods, est un sandwich dont la garniture habituelle est agrĂ©mentĂ©e dâun Ćuf au plat.
đ Le folklore associĂ© Ă la lune dâautomne
Les cĂ©lĂ©brations de la belle lune dâautomne sont Ă©troitement associĂ©es au lapin đ. En Asie, on voit en effet sur la surface de la lune la silhouette du petit animal en train de piler du riz dans un mortier pour fabriquer du mochi. Cette image fait rĂ©fĂ©rence Ă une ancienne lĂ©gende indienne oĂč un lapin se sacrifie pour sauver un vieil homme de la faim. Or, le vieillard Ă©tait en rĂ©alitĂ© un dieu, qui, Ă©mu par le geste du lapin, lui dĂ©die lâastre de la nuit. La tradition du lapin fabricant du mochi viendrait du nom de cette action en japonais : mochitsuki (é€ ă€ă) qui ressemble phonĂ©tiquement Ă un autre nom de la pleine lune de Jugoya : mochizuki (ææ).
Une autre lĂ©gende cĂ©lĂšbre associĂ©e Ă la lune est celle du Conte du coupeur de bambou (Taketori monogatari). Un couple de vieillards Ă©lĂšve un bĂ©bĂ© recueilli dans une canne de bambou. Cette jeune fille mystĂ©rieuse prĂ©tend venir de "la capitale de la lune" et, aprĂšs de nombreuses pĂ©ripĂ©ties, est finalement emportĂ©e vers lâastre lunaire. Cette histoire a notamment Ă©tĂ© adaptĂ©e par Isao Takahata dans son long mĂ©trage Le Conte de la princesse Kaguya (Kaguya-hime no monogatari) sorti en 2013.
Sâappuyant sur ce conte bien connu des enfants japonais, le Japon a aussi nommĂ© "Kaguya" sa premiĂšre mission spatiale lunaire (2007 - 2009).
đ OĂč voir O Tsukimi
Autrefois, les nobles et lâentourage de lâempereur observaient la lune dâautomne du jardin sophistiquĂ© de leurs rĂ©sidences : par exemple au Daikaku-ji, au bord de lâĂ©tang Ozawa, ou encore depuis la plate-forme Tsukimidai de la Villa ImpĂ©riale Katsura Rikyu.
Aujourdâhui, on peut profiter de lâĂ©clat de la pleine lune du cĂŽtĂ© dâArashiyama Ă Kyoto, ou encore au bord de lâĂ©tang Shinobazu du Parc de Ueno Ă Tokyo. La plage đ de Katsurahama, au sud de lâĂźle de Shikoku, est rĂ©putĂ©e pour sa vue sur la lune.
Pour une expĂ©rience unique de lâobservation de la lune, le jardin japonais Hama-Rikyu, situĂ© au bord de la baie de Tokyo, propose des balades nocturnes pendant quelques soirĂ©es autour de la 2nde lune Jusanâya, lors dâun Ă©vĂ©nement saisonnier appelĂ© Hamarikyu Tsukimi Sanpo.
Plusieurs autres jardins ou temples Ă©tendent leurs horaires dâouverture, pour proposer quelques soirĂ©es de Tsukimi no Kai pour la 1Ăšre lune : Mukojima Hyakkaen Ă Tokyo ou le temple Ishiyama-dera Ă Otsu.
Enfin, les quartiers chinois Chukagai de Yokohama et Nagasaki ou encore Nankinmachi à Kobe proposent menus spéciaux et événements pendant la période de Tsukimi, entre la mi-septembre et début octobre.