Colonie Vacances Japon Ete 2022

À quoi ressemblent vraiment les voyages touristiques au Japon de l'été 2022

Interview d'un directeur d'agence de voyages réceptive

⏱ 11 minutes

Comme vous le savez sans doute si vous êtes fidèles lecteurs de Kanpai, le tourisme au Japon a (enfin) (partiellement) repris depuis le 10 juin, après 2 ans et 3 mois de fermeture totale. Certes, les nouvelles conditions de voyage contiennent leur lot de contraintes, parmi lesquelles notamment l'obligation d'avoir une agence de voyages "sponsor" et un guide avec soi en permanence sur place. Mais en fonction de l'agence choisie pour effectuer le voyage, il est malgré tout possible de passer un séjour extrêmement intéressant, notamment de par son côté exclusif.

Pour rappel, voici un article qui explique la procédure complète pour pouvoir partir en visa touriste au Japon depuis cette fin de printemps 🌸 :

Afin d'obtenir un retour d'expérience concret de cette nouvelle façon de voyager au Japon, nous avons choisi d'interviewer Sébastien, directeur expatrié de l'agence de voyages Keikaku qui permet à ses clients et aux demandeurs de partir dans ce cadre.

Avez-vous eu beaucoup de demandes pour voyager au Japon depuis la mise en place de ce système ?

À notre grande surprise, nous avons eu énormément de demandes de la part de prospects et clients depuis début juin. Elles sont gérées directement par notre bureau en France. Une chose est sûre : malgré les contraintes actuelles, le Japon attire toujours autant. Parmi toutes ces demandes, peu se valident en réalité. Le point de blocage principal vient de la partie guide ; soit les clients n'acceptent pas d'avoir un accompagnateur en permanence avec eux, soit le budget requis est trop important. Mais il ne vaut mieux pas essayer de tricher : en cas de contrôle, le voyageur est reconduit à la frontière et risque jusqu'à 15 ans d'interdiction de territoire japonais.

Il y a deux types principaux de demandes : les clients ont déjà, ou non, acheté leurs billets d'avion ✈️.
- Pour ceux dont c'est le cas, ils ont souvent eu des bons tarifs en promotion donc quitte à payer une rallonge, ils préfèrent que ce soit maintenant avec un guide plutôt que l'année prochaine en surcharge aérienne (si tant est que ça réouvre plus librement d'ici là).
- Les clients qui n'ont encore rien réservé ont souvent un budget très confortable et peuvent se permettre de partir en dernière minute pour profiter de cette exclusivité. Car entre ces contraintes et l'interdiction de voyage pour les Chinois, il n'y a quasiment aucun touriste étranger au Japon actuellement. Et d'ailleurs, même l'Office national du tourisme japonais ne se gène pas pour le promouvoir :

Est-ce qu'il y a beaucoup de choses imposées dans ce type de séjour ?

Il faut savoir que Keikaku est une des rares agences à faire des voyages à la carte et malgré les restrictions Covid 🦠 actuelles, le client reste maître de son séjour. Par exemple, il n'y a aucune obligation de prévoir un planning précis à l'avance. La seule chose que l'on demande est le déroulé des nuitées pour réserver les hébergements de notre guide. De plus, on ne propose aucun tour groupé ni circuit imposé car on continue à faire uniquement du sur-mesure. C'est pourquoi beaucoup de clients viennent à nous avec leurs réservations de vols et hôtels déjà faites en amont. Et bien sûr, toutes les préfectures du Japon sont accessibles.

Certains clients ont une image du guide rigide qui oblige certaines visites, impose des horaires stricts ou même touche des commissions sur les ventes dans certains magasins, mais ce n'est pas du tout notre politique. Nous n'avons jamais fonctionné comme ça et ce n'est pas prêt d'arriver !

La plus forte contrainte pour les voyageurs à mon avis, c'est de ne pas pouvoir faire de quartier libre pendant le voyage en-dehors de l'hôtel 🏨. Je pense à une colonie de vacances que j'ai accompagnée où les 20 jeunes devaient quasiment toujours restés groupés, et les moniteurs et guides n'ont pas beaucoup pu se poser.

Est-ce compliqué de partir au Japon avec les mesures actuelles ?

Tout dépend de votre interlocuteur, car l'agence de voyages est l'organisme de référence qui fixe les conditions en respectant les règles de l'immigration japonaise. Comme expliqué, à Keikaku nous faisons en sorte que cela soit le plus souple possible et nous adaptons aux maximum aux demandes clients. Bien entendu, il nous est malheureusement impossible d'accepter que des clients soient sans guide, même s'il y a une certaine tolérance. Par exemple, dans les parcs ou les centres commerciaux, nous faisons en sorte de ne pas suivre les clients comme des petits chiens et leur laissons un espace de liberté grâce au Pocket Wifi 📶 qui leur permet d'être tout le temps joignables.

Le principal point de vigilance est celui de s'y prendre un minimum à l'avance, pour deux raisons.
- Pour obtenir le visa tourisme, le client doit être en possession de son certificat ERFS que nous envoyons en PDF environ 24 à 48 heures après la signature du contrat de voyage. Ensuite il faut prendre rendez-vous à l'Ambassade ou au Consulat et s'y rendre pour déposer la demande de visa. Les délais peuvent être fluctuants, a fortiori en été avec les congés.
- De notre côté, puisque chaque séjour doit être accompagné de A à Z par un guide sur place, les disponibilités de nos accompagnateurs se réduisent vite, surtout en haute saison. Nous sommes quasiment pleins sur juillet-août et cela se remplit assez rapidement sur octobre-novembre. Nous avons même déjà des réservations validées pour l'hiver prochain.

En tout cas, ce système nécessite au client d'être bien informé en amont. Nous avons eu par exemple des appels de voyageurs qui se sont vus refuser l'embarquement de leur vol vers le Japon parce qu'ils partaient la fleur au fusil. Tout le monde peut acheter un billet d'avion vers Tokyo et certains prennent cela pour une autorisation de voyager librement, mais ce n'est pas du tout le cas : il y a d'autres visas en-dehors des touristes, sans compter les Japonais qui eux vont et viennent librement.

Quel est le budget à prévoir pour respecter ces conditions ?

Il y a de fait une "surcharge touristique" liée aux contraintes de l'immigration japonaise. À Keikaku, nous proposons un package qui comprend l'ensemble des coûts à prévoir : les certificats ERFS, le salaire du guide et tous ses frais (transports, repas, hébergements, activités). Il dépend beaucoup de l'itinéraire du client et de la saison mais on tourne autour de plusieurs centaines d'euros par jour. C'est un très gros budget et cela limite le nombre de voyageurs éligibles, d'ailleurs je ne serais pas surpris que ce soit voulu par le gouvernement japonais.

Il faut bien comprendre que le guide a une grande amplitude horaire quotidienne de travail et doit voyager partout avec les clients, donc cela chiffre très vite. Bien entendu, des clients qui restent uniquement dans la capitale en basse saison paieront moins cher que d'autres en haute saison qui changeront de ville tous les 3 jours. Dans le premier cas, on choisit un guide qui habite à Tokyo pour ne pas facturer de frais d'hébergement. Dans le second cas, il faut prendre en charge tous les hôtels du guide qui vous suit, ainsi que ses billets de Shinkansen 🚅 puisqu'il n'a pas droit au JR Pass en tant que résident au Japon. Du coup, pour le guide, la rémunération horaire est moins élevée que hors Covid.

Un point important est que plus il y a de monde dans un groupe, moins cela revient cher par personne, car le tarif est le même quelque soit le nombre de voyageurs. Selon les termes de l'immigration japonaise, un groupe peut-être constitué de 1 personne à l'infini. Bon, à partir de 15-20 adultes on commence à réfléchir à mettre 2 guides avec le groupe !

Beaucoup de nos clients qui valident leurs séjours voient le point positif de la contrainte : ils ont tout le temps avec eux un guide privatif bilingue français-japonais qui s'occupe de tout sur place, et avec lequel ils ont déjà pu discuter avant de partir pour bien préparer les visites.

Justement, quelles typologies de voyageurs partent actuellement ?

Dû au tarif expliqué ci-dessus, on a finalement assez peu de couples et quasiment aucun voyageur solo, mais plutôt des familles et groupes d'amis car à 5 ou 10, le tarif est en réalité très acceptable. À noter : nous ne regroupons jamais entre eux des clients qui ne se connaissent pas pour faire des voyages communs, puisque Keikaku ne propose que du privatif.

Comme expliqué plus haut, au départ on a surtout eu des clients qui avaient déjà leurs vols, et Keikaku venait simplement apposer la partie ERFS + guide pour leur permettre de réaliser ce voyage. Ça a été le cas pour des couples, des familles ou encore des colonies de vacances (voir photo fournie). Ceux-là ont été très contents d'apprendre la nouvelle le 10 juin ! De plus en plus ces derniers temps, d'autres types de prospects ont appris que le Japon rouvrait et veulent partir rapidement, même avec ces conditions. Mais beaucoup de clients ajustent leurs réservations d'hébergements vers des appart'hôtels pour avoir une kitchenette dans la chambre, de sorte à profiter du petit-déjeuner et/ou du dîner en intimité, sans le guide.

On nous demande quasi systématiquement jusqu'à quand vont durer les restrictions actuelles mais personne ne le sait, c'est pourquoi comme indiqué plus haut, nous avons déjà des réservations validées pour l'hiver 2022-2023 car les clients ne veulent surtout pas se retrouver le bec dans l'eau maintenant qu'ils savent qu'ils peuvent partir. Si les restrictions s'allègent entre temps, bien entendu, on ajustera les contrats déjà signés pour ne pas obliger le guide en permanence.

Quelle est la situation Covid au Japon actuellement ?

En toute honnêteté, au moment où nous faisons cette interview (début août), la situation pourrait être perçue comme inquiétante, avec une vague 2,5 fois plus haute que le précédent record. C'est la première fois depuis le début de la pandémie que nous avons autant de cas covid dans notre entourage. Et comme on n'est pas considéré cas-contact si on porte le masque 😷 en permanence, par exemple les profs, les chiffres officiels sont probablement sous-dimensionnés. Heureusement, on arrive au pic de cette 7ème vague qui est prévu pour le 6 août, et les formes graves sont très rares.

La bonne nouvelle aussi, c'est qu'il n'y a plus aucune restriction comme on en avait connues jusqu'à présent. Tout est bien sûr ouvert et même les matsuri ont repris. Les seules choses notables sont les vitres baissées dans le bus à Kyoto ou encore l'interdiction de pivoter les sièges dans le Shinkansen, même s'ils continuent à y servir à boire et à manger. En tout cas, il y a vraiment très peu d'impact pour les voyageurs et ça ne nous empêche pas du tout de travailler. Le Covid n'est pas vraiment un sujet pour nos clients, aussi bien francophones qu'anglophones : on ne nous en parle quasiment pas. Tous nos voyageurs se plient volontiers au port du masque même si vous avez un peu perdu l'habitude en Occident, d'autant qu'au Japon désormais la règle n'est pas si dure qu'avant, notamment en extérieur. Ce qui fait qu'on ne se sent pas comme un chaperon en tant que guide, même si officiellement on est aussi référent Covid.

J'ai quand même remarqué que certaines de mes petites adresses ont fermé car elles n'ont pas survécu à la crise du tourisme liée à la fermeture des frontières, par exemple le marchand de glace au chocolat du Ginkakuji ou encore le restaurant de nikuman à Miyajima. Il y a quelque temps, un article est paru dans le journal Nikkei expliquant que 10% des hôtels et agences de voyages japonaises ont dû fermer à cause du Corona... Le bon côté, c'est le retour des Japonais dans des quartiers qui avaient été mangés par le sur-tourisme consumériste pour Asiatiques, par exemple Dotombori à Osaka avec ses drugstores, qui a été "rendu" aux locaux avec la pandémie.

D'ailleurs, quelles sont les réactions des Japonais et en particulier des commerçants face au retour des étrangers ?

Dans l'ensemble, on a vraiment de très bonnes réactions, ils sont contents de nous revoir. Beaucoup de Japonais "lambda" ne sont pas trop au fait de la fermeture de leur frontière car eux peuvent partir à l'étranger comme ils veulent depuis 2020. Mais pour ceux dans le métier, ça leur fait vraiment plaisir. Par exemple, les agents du comptoir Japan Railways à l'aéroport de Haneda m'ont dit que cela faisait presque 3 ans qu'ils n'avaient pas activé autant de JR Pass ! Les réactions ont été encore plus agréables dans les lieux touristiques et les boutiques, je pense à un restaurant près du chemin de la philosophie où le staff voulait nous offrir des parapluies parce que la pluie ☔️ était arrivée pendant qu'on mangeait.

Les gens viennent nous voir pour discuter, nous demander de quel pays on est originaires, bref les mêmes réactions qu'avant le Covid. À Kyoto, j'ai ressenti quelques regards mécontents, notamment dans les transports, mais c'est resté très rare et sans doute lié au fait qu'on était un gros groupe. Les autres guides ne m'ont pas fait de retour à ce sujet avec des familles par exemple.

Après, en réalité il y avait déjà eu une reprise du "tourisme" depuis mars avec les visas famille notamment, et bien sûr les expatriés qui ne sont jamais partis. On croise régulièrement d'autres petits groupes de voyageurs étrangers depuis quelques mois maintenant. Mais tout le monde est vraiment très content que les touristes étrangers puissent enfin revenir au Japon. La reprise est intense pour nous en tant que guides mais elle fait vraiment du bien !

Mis à jour le 15 février 2023 - What Touristic Travels in Japan are Really Like in Summer 2022