Nagoshi no Harae
Le rituel de purification de la mi-année
Nagoshi no Harae est un rituel pratiqué le 30 juin de chaque année dans tous les sanctuaires shinto du Japon. Dédié à la purification spirituelle et physique, il permet aux croyants de se défaire de leurs péchés avant les célébrations estivales, et de prier pour être protégés du mal jusqu’à la fin de l’année, en passant à travers des cercles de chaume chinowa.
Nagoshi no Harae (ou Nagoshi no Oharae) signifie littéralement "grande purification au franchissement de l’été" et a lieu le 30 juin dans la plupart des sanctuaires shinto au Japon. Le rituel a pour but de se débarrasser de toute souillure spirituelle ou sentiment négatif, afin de mieux accueillir les grandes célébrations comme la fête des étoiles Tanabata 🎋 en juillet et la "fête des morts" Obon en août.
Une pratique similaire, Oharae ("grande purification") se tient le 30 ou le 31 décembre afin de clore l’année positivement et accueillir le Nouvel An sous les meilleurs auspices.
Date et origine
La coutume, aussi nommée Minazuki no Harae, marque le passage à l’éprouvante saison estivale, très chaude et humide. Minazuki est le nom du 6ème mois de l’ancien calendrier luni-solaire koyomi utilisé jusqu’à la fin du XIXe siècle dans l’archipel. Cette période d’une 30aine de jours prend ainsi place entre la fin juin et le mois d’août selon les années. Traditionnellement, Nagoshi (ou Minazuki) no Harae se tient au dernier jour du 6ème mois, ce qui a été fixé par commodité au 30 juin, mais les dates peuvent légèrement varier selon les régions et les sanctuaires.
Le rite de Nagoshi no Harae tirerait son origine d’une légende : 2 frères, l’un très riche et l’autre très pauvre, sont mis à l’épreuve par un dieu voyageant incognito. Seul l’homme le plus pauvre, nommé Somin Shorai, l’héberge et le nourrit. Pour le remercier de son hospitalité, le dieu, souvent identifié comme le kami des tempêtes Susanoo, lui offre un anneau d’herbes tressées qu’il doit porter à sa ceinture en protection des maladies et des épidémies. Lorsqu’ensuite le dieu déchaîne une épidémie sur la région, seuls Somin Shorai et ses descendants sont épargnés grâce à cet anneau.
Comment se déroule le rituel shinto de purification ?
Ainsi, l’élément central de ce rituel est le chinowa, une couronne géante assemblée à partir de tiges de chigaya (チガヤ impérate cylindrique), ornée de guirlandes de papier gohei et de feuilles de bambou sasa. Placée à l’entrée du sanctuaire et librement accessible pendant plusieurs jours avant la cérémonie, elle est suffisamment grande pour qu’un adulte y tienne debout.
La coutume veut que l’on traverse l’anneau (chinowa kuguri) selon un parcours formant le chiffre 8 (ou de l’infini) puis que l’on dépose au sanctuaire un double de papier (hitogata) porteur de ses maux physiques ou spirituels, afin qu’ils soient purifiés par le feu 🔥 ou par l’eau.
Chinowa kuguri
Si l’on souhaite accomplir le chinowa kuguri, il faut tout d’abord procéder à ses ablutions au temizuya, s’avancer face au cerceau végétal et saluer en se courbant en avant. Puis, l’on effectue 3 tours comme suit :
- on entre avec le pied gauche et on tourne du même côté ;
- puis on entre du pied droit et on tourne sur la droite ;
- on répète un dernier tour du côté gauche (parfois facultatif).
Enfin, on entre tout droit pour se diriger vers le pavillon de prière. Il faut penser à s’incliner à chaque fois que l’on fait face à l’anneau de paille et avant d’y entrer. Les instructions pour bien traverser l’anneau sont généralement affichées à ses côtés. Il est parfois conseillé de réciter une prière ou un poème waka de circonstance.
Hitokatashiro
Beaucoup de sanctuaires proposent en complément la pratique du hitokatashiro (人形代). Le croyant transfère ses maux spirituels ou physiques à une petite silhouette humaine en papier ou en bois (hitogata) en y inscrivant son nom, sa date de naissance, et éventuellement en l’utilisant pour frotter les parties du corps à protéger ou à guérir. Cette "poupée" est déposée avec une offrande numéraire au sanctuaire où elle sera purifiée, soit par incinération soit emportée par un cours d’eau, délivrant ainsi l’humain qu’elle représente de ses malheurs.
La grande purification de l’été est aussi le bon moment pour se procurer un talisman de papier ofuda inscrit au nom de Somin Shorai, à placer chez soi pour étendre la protection contre les maladies à son foyer. Des sceaux goshuin spéciaux sont aussi proposés.
Minazuki
Comme toute fête traditionnelle japonaise, Nagoshi no Harae possède une pâtisserie incontournable : le minazuki (水無月). En forme de triangle, ce gâteau est composé d’une couche de pâte de riz surmontée d’une couche de haricots rouges sucrés azuki, le tout cuit à la vapeur. La recette peut varier selon les régions, le riz pouvant être remplacé par un warabi mochi ou une base de konjak. Il est parfois servi sur une feuille de bambou sasa.
Le gâteau minazuki est originaire de Kyoto et remonterait à l’époque de Heian (794 - 1185). Il englobe plusieurs symboliques :
- les azuki, comme les mame lors du rituel de Setsubun, sont réputés protéger du malheur et des démons ;
- sa forme triangulaire est une moitié de carré, ce qui correspond à une moitié d’année ;
- sa forme évoque aussi le morceau de glace que l’empereur consommait lors du rituel afin d’adoucir symboliquement les chaleurs à venir.
À cette époque en effet, les glacières étaient les seules installations permettant la conservation au frais toute l’année, mais elles étaient rares et réservées aux classes dirigeantes. Le reste de la population se contentait de la pâtisserie. Aujourd’hui, celle-ci se trouve très facilement tout au long du mois de juin et coûte environ 325¥ (~1,92€) la part.
Où faire le Nagoshi no Harae au Japon ?
Le rituel a lieu dans tous les sanctuaires shinto du Japon à la fin juin. Les jours précédents, on peut notamment se rendre dans les sanctuaires populaires suivants :
- À Tokyo : Kanda Myojin, Nezu-jinja, Asakusa Otori-jinja ;
- À Kyoto : Yasui Kompira-gu, Shimogoryo-jinja au centre, Yasaka-jinja et Heian-jingu à l’est, Kamigamo, Kitano Tenmangu et son chinowa de plus de 5 mètres ou Kifune-jinja au nord, Fushimi Inari Taisha ou Jonan-gu au sud, etc.
- À Osaka : Sumiyoshi Taisha.
Le rituel se déroule généralement dans le calme et un certain recueillement. Toutefois, quelques sanctuaires organisent des animations de matsuri et des feux d’artifice, mais sans que ce soit la règle. Par ailleurs, le cérémoniel s’est modernisé et certains sanctuaires, comme Kanda Myojin, proposent à ceux qui ne peuvent se déplacer d’assister à Nagoshi no harae en streaming et d’envoyer sa silhouette de papier hitogata par la poste 📮.