Todai-ji (Nara), statue du Grand Bouddha Dainichi Nyorai en bronze

Les principales divinités du bouddhisme japonais

Bouddha, Bosatsu, Myo-o et Shitenno

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À partir du VIe siècle, le Japon adopte sur son territoire le bouddhisme né en Inde et passé par la Chine et la Corée. Plusieurs écoles japonaises se développent, érigent des temples et choisissent leurs principales divinités bouddhistes, parmi un choix pléthore entre les bouddhas éveillés, les bodhisattva et autres entités protectrices, qui font depuis partie de la vie quotidienne des Japonais.

Originaire d'Inde, le bouddhisme mettra plus de 1.000 ans à traverser l'Asie pour rejoindre le Japon depuis la Chine et la Corée. Les premiers moines bouddhistes japonais partent ainsi dans ces pays étudier cette religion et reviennent pour fonder les courants de pensée majeurs qui existent encore aujourd'hui, notamment :

  • l'école Tendai fondée par Saicho (767 - 822) ;
  • le Shingon, école ésotérique fondée par Kukai (774 - 835) ;
  • l'École de la Terre Pure, également appelée la secte Jodo et fondée par Honen (1133 - 1212) ;
  • l'École véritable de la Terre Pure, baptisée Jodo-Shinshu en japonais et fondée par Shinran (1173 - 1263) ;
  • et le Bouddhisme Zen qui comprend plusieurs branches dont les courants Rinzai et Soto.

Les écoles s'adaptent aux coutumes et aux croyances déjà établies par le peuple japonais qui pratique depuis la Préhistoire le culte shintô. Le bouddhisme et le shintoïsme vont ainsi cohabiter et s'influencer réciproquement jusqu'à parfois s'associer au sein de sites spirituels syncrétiques. Il en est de même pour les divinités où certaines entités existent aux panthéons de ces 2 religions.

Un panthéon complexe et hiérarchique

La carte des divinités du bouddhisme japonais se montre assez complexe et vaste, car adaptée à chaque école ou secte au Japon et originaire de différents pays et courants de pensée en Asie. Quelques distinctions sont importantes à souligner pour s’y retrouver.

Tout d’abord, il n’y pas à proprement parler de "dieu" dans le bouddhisme mais plutôt des êtres et plus précisément des âmes, des esprits (continuum mentaux) qui tendent vers le stade suprême, celui de l'Éveil ou Bohdi en sanskrit (l'une des langues liturgiques des textes bouddhistes) et ce afin d'accéder au nirvana.

De manière synthétique, on définit 3 voies principales pour y arriver :

  • le "Petit Véhicule" où l'on considère que l’on ne peut atteindre le stade de l'Éveil que par soi-même ;
  • le "Grand Véhicule" où il est possible d’être aidé ;
  • et la "voie du Diamant" relative au bouddhisme tantrique ou ésotérique.

Au Japon, ce sont les 2 derniers concepts qui prédominent et d'où découlent le panthéon des déités. Ces dernières répondent à un organigramme hiérarchique selon où elles se trouvent sur le chemin de l'Éveil. Voici ci-dessous une sélection non exhaustive des principaux bouddhas, bodhisattva et autres entités les plus honorés au pays du Soleil Levant.

Ushiku Daibutsu (Ibaraki), statue monumentale de Bouddha Amida Nyorai

Les bouddhas

Niveau de hiérarchie le plus élevé, le titre de "bouddha" est donné aux êtres ayant atteint l'Éveil. On y distingue :

  • le "Bouddha" qui désigne Siddhârta Gautama, le premier à s’être éveillé et fondateur du bouddhisme. Il est également baptisé 仏様 Hotoke-sama en japonais ;
  • et les "bouddhas" qui font référence aux âmes suivantes à avoir atteint le stade suprême.

Ils reçoivent au Japon l'appellation de 如来 nyorai à la fin de leur nom, ce que l'on peut traduire en français par "éveillé".

Shaka Nyorai (釈迦如来)

Shaka fait référence au Bouddha originel, Sakyamuni (Shakyamuni) en sanskrit, c'est-à-dire Siddhârta Gautama. Il est vénéré au sein de la plupart des écoles au Japon, sauf celles de Shingon et de la véritable Terre Pure.

Dans sa représentation la plus commune, on le voit avec la paume de la main droite au niveau de son buste et tournée vers celui qui le regarde, de même que la gauche mais avec le bras baissé au niveau de sa cuisse. Il s’agit ici de la mudra (position codifiée et symbolique des mains) principale dans le bouddhisme.

L'anniversaire de la naissance du Bouddha historique Shaka est fêté chaque année au Japon lors de Hana Matsuri qui a lieu le 8 avril.

Nishiarai Daishi (Tokyo), statue de la naissance de Bouddha Shaka Nyorai pour Hana Matsuri

Dainichi Nyorai (大日如来)

Dainichi (ou Vairocana en sanskrit) désigne le bouddha central de l’école Shingon, c’est-à-dire du bouddhisme ésotérique japonais. Il incarne la sagesse et la raison.

Pour l’école Shingon, Dainichi Nyorai est le bouddha principal de l’univers et possède les vertus de tous les autres bouddhas. Il est généralement représenté avec des ornements comme une couronne et un collier, et se trouve souvent entouré des 5 rois de la sagesse et du savoir, les Myo-o (voir ci-dessous).

Amida Nyorai (阿弥陀如来)

Le bouddha Amida (ou Amitabha en sanskrit) est honoré principalement par l’école de la Terre Pure. Il vit et règne sur une sorte de paradis situé à l’ouest de l'univers, du côté du soleil couchant.

À l’époque où il était encore un bodhisattva, Amida Nyorai n’aurait accepté l'Éveil qu’à la condition que tous les êtres qui prononceraient son nom avec sincérité puissent également accéder à la Terre Pure.

La prononciation de son nom "Namu Amida Butsu" est réputée comme extrêmement puissante et constitue une des pratiques clés de la secte Jodo. À noter que la divinité Amida est souvent représentée avec un halo de lumière autour de sa tête.

Konkai Komyo-ji (Kyoto), statue de Bouddha Amida de la Terre Pure

Yakushi Nyorai (薬師如来)

Yakushi (ou Bhaisaya en sanskrit) représente le bouddha de la médecine. Régnant à l’est de l’univers, du côté du soleil levant et où il a supplanté au Japon Ashuku Nyorai, il soigne les corps et les âmes. Parmi ses 12 vœux prononcés lorsqu’il était bodhisattva, 2 d’entre eux avaient en effet pour but de sauver et de guérir les êtres vivants.

Yakushi Nyorai est souvent représenté muni d'une fiole symbolisant les remèdes pour le corps et l’âme au creux de sa main gauche, et la main droite positionnée au niveau de son buste, paume tournée vers celui qui le regarde.

Mont Nokogiri (Chiba), statue Daibutsu Yakushi Nyorai

Les bodhisattva

Baptisés bodhisattva ou bosatsu (菩薩) en japonais, ces êtres sont des bouddhas en devenir. Une fois achevé leur chemin vers l'Éveil, ils accèderont au statut de nyorai. Ceux qui restent à ce titre de bosatsu le font délibérément pour rester auprès des Hommes afin de les aider à s'éveiller.

Miroku Nyorai (弥勒如来) ou Miroku Bosatsu (弥勒菩薩)

À la fois bouddha du futur et bodhisattva, Miroku (ou Maitreya en sanskrit) occupe une place particulière dans le panthéon. En effet, il n'apparaîtra sur Terre qu'une fois le bouddhisme disparu, afin de sauver tous les êtres qui n’auraient pas encore pu atteindre l'Éveil. Cette situation est sensée se produire dans un peu plus de 5 milliards d’années, après la naissance de Bouddha Shaka (Siddhârta Gautama) soit encore dans quelques temps.

Bouddha de la bienveillance, il est parfois représenté avec une coiffe ou une couronne et dans une attitude méditative, c'est-à-dire assis avec la jambe droite posée sur son genou gauche (en position dite 半跏踏下坐 hankafumisageza).

À noter que le nom "miroku" fait directement référence au mot "mirai" en japonais qui veut dire "futur".

Kannon Bosatsu (観音菩薩)

Baptisé le plus souvent simplement Kannon (ou Avalokitésvara en sanskrit), ce bosatsu est l’une des entités les plus populaires au Japon et le plus souvent vénérée sous sa forme féminine.

Déesse de la compassion et de la miséricorde au Japon, elle fait preuve de mansuétude universelle et serait ainsi déjà apparue 33 fois sur Terre pour sauver l’humanité. Plusieurs pèlerinages bouddhistes régionaux liés à Kannon existent à travers l'archipel, listant chacun 33 temples à visiter notamment dans le Kansai, le Kanto, le Chugoku ou encore à Mogami, une ancienne province dans le nord du Japon.

Ses représentations sont variées et on la retrouve souvent avec un lotus à la main. Une de ses formes où elle est entouré de mille bras fait penser au dieu hindou Shiva.

Oka-dera (Asuka), grande statue en terre de Nyoirin Kannon

Jizo Bosatsu (地蔵菩薩)

Jizo (ou Ksitigarbha en sanskrit) est le protecteur des enfants, des voyageurs et plus précisément des pèlerins. Très honoré au Japon, il est prié notamment lorsque l’on perd un enfant car il permet à cet être parti trop tôt de se réincarner rapidement. Il est ainsi omniprésent dans les cimetières bouddhistes et au sein des zones okuno-in les plus sacrées et reculées des temples.

Sa représentation la plus caractéristique est celle d'une statue de petite taille à l'air enfantin, coiffée d'un bonnet tricoté et d'un bavoir rouge. Muni d'un bâton pour parcourir le monde à la recherche des âmes perdues, Jizo Bosatsu peut être également représenté en pèlerin accompagné d'enfants à ses pieds ou dans ses bras.

Mitaki-dera (Hiroshima), statues de Jizo

Les groupes intermédiaires et populaires

Ces divinités bouddhistes arrivent après les bouddhas et les bosatsu dans le panthéon japonais.

Myo-o (明王)

Les entités Myo-o désignent les 5 rois de la sagesse, de la connaissance ou du savoir selon les traductions, et sont les manifestations courroucées des 5 bouddhas de la sagesse. Le plus connu d'entre eux au Japon est sans aucun doute Fudo Myoo (不動明王), Acalanatha en sanskrit, qui représente l’immuabilité et chasse les démons et autres êtres des mondes inférieurs.

Les flammes présentes dans son dos servent à brûler l’attachement matériel ou émotionnel des hommes qui les empêche d’accéder à l'Éveil. Fudo Myoo tient également une épée pour couper les liens du karma en vue de l'améliorer. Il possède par ailleurs une sorte de lasso, baptisé 羂索 kensaku en japonais, afin de rattraper les personnes qui s'éloigneraient trop de la loi bouddhiste.

Narita-san Shinsho-ji, statue de Fudo Myoo

Shitenno (四天王)

Les gardiens Shi-Tenno (ou Lokapâla en sanskrit) sont dans le bouddhisme les 4 Rois célestes qui veillent sur les 4 points cardinaux de l'univers. Au Japon, ils sont nommés de la façon suivante :

  • Bishamonten (毘沙門天) ou Tamonten (多聞天) surveille le nord ;
  • Jikokuten (持國天) protège l'est ;
  • Komokuten (廣目天) est dirigé vers l'ouest ;
  • et Zochoten (増長天) garde le sud.

Bishamonten (ou Vaisravana en sanskrit) se dresse comme le plus important des 4 car il est charge de repousser les démons qui arrivent par la porte nord. Doté d’une ouïe extraordinaire, il est souvent représenté équipé d'une armure de style chinois, d'une lance et d'une petite pagode qu'il tient dans la main. En tant que divinité de la guerre et de la chance, il appartient également au groupe syncrétique et populaire des 7 Dieux du Bonheur au Japon.

Todai-ji (Nara), statue de Bishamonten, gardien céleste du Nord

On reconnaît au culte bouddhiste une certaine propension au monumental en ce qui concerne l'architecture. Le Japon abrite ainsi plusieurs grandes statues de bouddha baptisées Daibutsu (大仏), dont les plus touristiques sont :

  • celle du Todai-ji à Nara qui représente Dainichi Nyorai ;
  • et celle du Kotoku-in à Kamakura qui incarne Amida Nyorai.

Leur contemplation sur place laisse toujours un souvenir mémorable, que l'on soit sensible ou non à cette religion.

Mis à jour le 04 octobre 2022 - The Main Japanese Buddhist Deities