Magasin de vente d'alcool Kakuyasu (Tokyo), rayon de bouteilles de saké

Comment bien choisir et boire le saké japonais

🍶 Guide pratique du nihonshu

⏱ 9 minutes

Le saké 🍶 japonais (ou nihonshu) a beau être l'alcool traditionnel au Japon, sa consommation au sein de l'archipel ne cesse de chuter depuis 4 décennies. En 2016, ce sont 6,06 millions d’hectolitres qui se sont vendus contre 7,46 millions d’hectolitres en 2004 et environ 16 millions d’hectolitres en 1973, lorsque les ventes nationales étaient à leur apogée.

La société japonaise s'est ouverte progressivement à de nouveaux horizons avec un choix de boissons toujours plus important dans les établissements sous licence (bière 🍺, vin, whisky, etc.), couplé en parallèle à un désintérêt croissant des plus jeunes pour les alcools, ainsi que des prix qui grimpent régulièrement.

Le marché extérieur du saké japonais est quant à lui en plein développement et vise ainsi à contrebalancer les pertes du marché intérieur, du moins en valeur plutôt qu’en quantité. Naviguant dans le sillage d’une cuisine japonaise toujours plus populaire dans le monde entier, le nihonshu touche désormais un public d’amateurs non-japonais de plus en plus nombreux. Les exportations représentaient un peu plus de 3 % de la production nationale en 2019 et sont en constante augmentation. Les États-Unis, la Chine, Taïwan et la Corée du Sud représentent les principaux pays importateurs de saké, et l’Europe connaît ces dernières années un engouement certain avec un taux de pénétration en plein essor.

Toutes frontières confondues, la tranche d’âge des adultes âgés de 40 à 60 ans reste la plus grande consommatrice de saké japonais. Son pouvoir d’achat plus élevé et sa recherche de boissons alcoolisées authentiques, aux saveurs plus complexes, expliquent grandement cette tendance. L'apprentissage du goût du nihonshu requiert en général du temps pour les Occidentaux car leur palais n'est pas habitué aux arômes particuliers de l'alcool de riz fermenté, tantôt doux et sucré, tantôt sec et puissant. Le goût reste difficile à décrire pour la plupart des personnes même s'ils en apprécient la dégustation, qui peut être chaude ou froide selon la saison et le type de saké.

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

Saké Gekkeikan Okura (Kyoto), coffret pour offrir avec carafe et tasses

Différencier les types de nihonshu

Connaître le type de saké avant de le consommer permet de se faire une bonne idée de la qualité du breuvage. Tout d'abord, il existe deux grandes catégories de nihonshu au Japon :

  • l'ordinaire, dit futsû-shu (普通酒), à considérer comme du simple vin de table, consommé davantage chaud et qui peut servir également à la cuisine, en préparation des aliments ;
  • et le premium, baptisé tokutei meishô-shu (特定名称酒), qui désigne le saké de bonne qualité pour être bu tel quel, et qui représente environ 30% de la production nationale.

Ensuite, on divise le saké premium en deux groupes, suivant la liste des ingrédients choisis pour le fabriquer :

  • le saké Junmai (純米) est brassé traditionnellement à partir de riz, d'eau et de koji uniquement ;
  • le saké Honjozo (本醸造) est élaboré à partir de riz, d'eau, de koji, auxquels on ajoute de l'alcool distillé (souvent issu de la canne à sucre et dans une certaine limite).

D'autres sous-catégories existent et correspondent à une étape-clé de la fabrication comme le degré de polissage du riz, seimai buai (精米歩合) en japonais. Plus le pourcentage exprimé est bas, plus le nihonshu sera qualifié de haut de gamme.

Voici un tableau qui classe les principaux types de saké premium et leurs appellations suivant leur niveau de qualité attendu :

Qualité du saké Groupe Junmai Groupe Honjozo Degré de polissage du riz
Premium ou supérieure (プレミアム) Junmai Daiginjo (純米大吟醸)
Junmai Ginjo (純米吟醸)
Daiginjo (大吟醸)
Ginjo (吟醸)
50 %
Spéciale (特別) Tokubetsu Junmai (特別純米) Tokubetsu Honjozo (特別本醸造) 60 %
Standard (スタンダード) Junmai (純米) Honjozo (本醸造) 70 %

Véritable fleuron du savoir-faire des brasseurs japonais, le nihonshu Junmai Daiginjo fait figure de meilleur saké. Généralement servi sec, il possède un parfum complexe ainsi que des arômes très prononcés. Le saké Daiginjo se montre plus subtil et délicat, avec toujours un certain raffinement. Les catégories les plus courantes Junmai et Honjozo, issues d’un riz poli avec un résiduel à 70%, se révèlent plus légères en bouche et faciles à boire.

D’autres classifications moins répandues existent également, parmi lesquelles on peut citer :

  • le Genshu (原酒), élaboré avec un riz très peu poli (99% résiduel) et qui n’est pas dilué à la sortie, donc titre autour de 20° ;
  • le Taru (たるざけ), vieilli en fût de chêne ou de cèdre ;
  • le Nigori (濁り酒) non filtré, qui présente un aspect trouble.

Magasin de vente d'alcool Kakuyasu (Tokyo), rayon de bouteilles de saké 2

Acheter du bon saké japonais

Pour déguster un bon nihonshu, nul besoin d'investir des sommes astronomiques. La diversité des productions régionales engendre de la compétition et assure donc pour les consommateurs un minimum de qualité.

Les marques japonaises à privilégier

De nombreuses marques de saké se révèlent d'un bon rapport qualité-prix et sont recommandées comme des valeurs sûres à des prix abordables. En voici un échantillon sélectif :

  • Tsushimaya (津島屋) de la brasserie Miyozakura (préfecture de Gifu), établissement fondé en 1893 qui puise dans les nappes d’eau alimentées par la rivière Kiso ;
  • Musubi Yui (結ゆい) de la brasserie Yuki (préfecture d’Ibaraki), qui produit ses saké dans ses entrepôts vieux de 160 ans ;
  • Mustu Hassen (陸奥八仙) de la brasserie Hachinohe Shuzo (préfecture d’Aomori), dont les origines remontent au XVIIe siècle et qui utilise les meilleurs produits de sa région pour distinguer ses boissons ;
  • Hirotogawa (廣戸川) de la brasserie Matsuzaki Shuzo (préfecture de Fukushima), très petite entreprise fondée en 1892 qui produit un saké exceptionnel ;
  • Kubota (久保田) de la brasserie éponyme (préfecture de Fukui), maison fondée en 1753 qui cultive son propre riz et puise l’eau profondément dans les nappes phréatiques de la région ;
  • Shuho (秀鳳) de la brasserie éponyme (préfecture de Yamagata), établissement fondé en 1890 qui sait profiter de son climat idéal pour développer un intéressant nihonshu ;
  • Isojiman (磯自慢) de la brasserie éponyme (préfecture de Shizuoka), maison fondée en 1830 qui profite des sources d’eaux pures environnantes ;
  • Kokuryu (黒龍) de la brasserie éponyme (préfecture de Fukui), entreprise fondée en 1804 qui produit son propre riz à saké ;
  • Sharaku (寫楽) de la brasserie Miyaizumi (préfecture de Fukushima), fort de ses 400 ans d’histoire, cette maison se dressant comme l’une des plus renommées du pays.

Combien coûte le nihonshu au Japon ?

Le prix d’une bouteille de saké peut facilement varier, tout comme le tarif d'une bouteille de vin en France. On estime une gamme tarifaire allant de 500¥ (~3,16€) à plus de 200.000¥ (~1.263€) selon la qualité du breuvage mais également sa rareté de production. De manière générale, les prix les plus répandus se situent entre 2.000¥ (~12,63€) et 4.500¥ (~28,43€) pour une bouteille de bon nihonshu au Japon.

Dans les bars et restaurants, le prix d’entrée pour un verre de saké (autour de 180 ml) se situe généralement entre 400¥ (~2,53€) et 700¥ (~4,42€) et coïncide avec le tarif pratiqué pour les autres verres d'alcool standards. Pour rappel, la majorité pour boire de l'alcool au Japon est fixée à 20 ans.

Sennichimae Doguyasuji (Osaka), boutique de carafes et tasses à saké japonais

Comment se boit le saké ?

Le saké japonais peut être servi à différentes températures, à apprécier selon les saisons (chaud en hiver, frais en été) mais également selon la modification des saveurs que cela lui procure.

À servir froid ou chaud

Voici quelques exemples d’appellations données en fonction de comment est servi le saké :

  • Reishu (冷酒 ) : nihonshu servi à environ 10°C, très rafraîchissant en été, mais en contrepartie sa saveur perçue peut s’en trouver réduite ;
  • Joo-on (常温) ou Hiya (冷や) : servi à température ambiante de la pièce, entre 18°C et 28°C. Attention : le terme hiya, qui signifie littéralement "frais", fait référence à la température ambiante perçue comme fraîche avant l'invention des réfrigérateurs. Joo-on est certainement la meilleure condition pour apprécier le saké à sa juste valeur sans le dénaturer ;
  • Nurukan (ぬる燗) : servi chaud à environ 40°C, la proximité avec la température du corps humain permet d’accentuer certaines saveurs et de le rendre plus doux ;
  • Atsukan (あつ燗) : servi très chaud à environ 50°C, son goût sera plus fort et épicé, atténuant aussi l’acidité. On évite ainsi de faire chauffer le saké de qualité supérieure car les subtilités gustatives de celui-ci s’en verraient alternées voire effacées. Cette façon de boire le saké se révèle plutôt agréable en hiver et particulièrement repandue lors du Nouvel An. On privilégie les gammes Honjozo ou Junmai pour ce type de consommation.

Une vaisselle spéciale

La carafe baptisée tokkuri (徳利) permet de servir le saké ; sa contenance est généralement comprise entre 180 et 360 ml. Réalisée le plus souvent en céramique, ornée de motifs traditionnels peints, la petite bouteille présente une forme bombée ou allongée, munie d'un col étroit, qui empêche la chaleur de s’échapper lorsque le nihonshu est chauffé au bain marie.

Les coupes ou les verres à saké utilisés peuvent être de forme très différentes mais leur contenance reste relativement faible :

  • la coupe sakazuki (盃) est peut-être la vaisselle la plus ancienne, peu profonde ; ses bords sont très échancrés et souvent laqués. Elle est toujours utilisée lors de cérémonies officielles shinto ;
  • les petites tasses guinomi (ぐい呑み) ou choko (猪口) sont les plus courantes dans la vie quotidienne, réservées à un usage plus informel ;
  • les récipients cubiques masu (枡) sont fabriqués en bois de cyprès hinoki. Très agréable à la vue, au toucher et à l’odorat, la coutume veut qu’on les remplisse à raz bord, en signe de prospérité.

Au Japon, le nihonshu se boit surtout au moment du repas, le principe de l’apéritif ou du digestif étant ici moins pratiqué. En famille à la maison, entre amis au restaurant ou avec ses collègues de travail pendant la réunion nomikai informelle de début de soirée à l'izakaya, la consommation de saké trouve sa place dès lors qu’il accompagne parfaitement de nombreux plats japonais comme les sashimi, les fruits de mer et les brochettes yakitori. Les auberges traditionnelles ryokan permettent également de déguster des saké régionaux lors du dîner kaiseki.

Hôtel Chinzan-so (Tokyo), évènement sur les saké locaux Odyssey Japan 2019 2

Un alcool à partager

Le saké est avant tout un alcool de dégustation et de socialisation. On préfèrera faire le service plusieurs fois, en suivant la coutume qui veut que l'on remplisse le verre de son voisin dès qu'il se vide. Ce dernier nous renverra d'ailleurs naturellement la pareille. Pour un Japonais, le fait de se faire servir est grandement apprécié et contribue au plaisir d'un moment convivial.

Lorsque l’on reçoit et pour trinquer, on saisit le verre à saké de la main gauche, puis on le tend légèrement soulevé avec la main droite qui vient se placer délicatement sous le verre. On remercie, en penchant légèrement la tête en avant une fois, puis on boit par petites gorgées, afin de montrer que l’on apprécie ses saveurs et non que l’on boit pour se désaltérer ou s'enivrer rapidement.

Enfin, il n’est pas rare, de retour de voyage et en cadeau omiyage, d’offrir un coffret de nihonshu, en prenant soin de choisir la spécialité locale et plutôt haut de la gamme de la région que l'on vient de visiter.

Mis à jour le 24 mars 2023 How to Choose and Drink Japanese Sake