Shintoïsme et Bouddhisme, entre sanctuaires et temples
Permettons-nous de revenir sur un point de sémantique qui nous semble souvent confondu, ou en tout cas parfois imprécis. Comme vous le savez, les Japonais piochent nombre de leurs croyances et traditions dans deux religions principales non-exclusives :
- shintoïsme (神道 "la voie des dieux" polythéiste et animiste avec des kami et yôkai) ;
- et bouddhisme (仏教 bukkyô, littéralement "apprentissage de Bouddha").
Chacune d'elle possède ses propres lieux de culte et si, parfois, la frontière n'est pas forcément évidente à trouver, c'est peut-être aussi parce qu'on n'y prête pas forcément une attention suffisamment élevée.
Bien que shintoïsme et bouddhisme partagent certains points communs, il y a des marques importantes qui permettent de les différencier, en particulier sur les plans architectural et terminologique. On n'y fait pas forcément attention lors d'un voyage au Japon, et cela est renforcé par le fait que les Japonais "pratiquent" l'une et l'autre des religions très naturellement et sans distinction.
Différences des religions japonaises
Pour la petite histoire, le shintoïsme est né au Japon, alors que le bouddhisme a été importé de Chine et de Corée à partir du Ve siècle. Elles ont été séparées officiellement à la fin du XIXe siècle. On parle ainsi de sanctuaires shinto et de temples bouddhistes. En japonais, il peut y avoir plusieurs suffixes pour chacun d'eux :
- Sanctuaire pourra avoir 神社 jinja (littéralement "sanctuaire des dieux"), 大社 taisha ("grand sanctuaire"), 神宮 jingû ("palais des dieux"), ou encore 明神 myôjin ("dieu éclairé")
- Temple aura généralement 寺 tera / dera / ji
La plupart du temps, l'entrée de ces édifices religieux est reconnaissable pour les sanctuaires à un 鳥居 torii ⛩️ ("portique"), et pour les temples à un 門 mon ("porte") à la structure sensiblement plus complexe. Malgré le fait que parfois, temples et sanctuaires partagent un même espace, il est très rare de trouver un torii à l'entrée d'un temple. Un shimenawa, corde tressée en paille de riz, indique que l'on se trouve dans un sanctuaire. Alors que la marque la plus reconnaissable d'un temple est bien entendu la statue de Bouddha, dont une des plus majestueuses se trouve sans doute au Todai-ji de Nara.
Deux autres petits points de distinction plus anecdotiques. On entend parfois certains parler de "Triforce de Zelda" ou de croix gammée trouvée dans les temples japonais. C'est naturellement faux. Pour le premier, il s'agit du sceau de la famille Hôjô, illustrée particulièrement lors de l'époque Kamakura, donc un peu avant Hyrule ! Quant à la croix bouddhiste, un coup d'œil montre qu'elle est utilisée en tant que svastika inversée et non inclinée, par rapport à l'emblème de l'Allemagne nazie. Leurs significations sont bien entendu très éloignées.