Pokemon Go

Pokémon GO : la surprise d'un succès sans précédent

⏱ 5 minutes

Alors que Pokémon GO a officiellement débarqué au Japon (et en France) il y a quelques jours à peine, on a l'impression que la déferlante a touché toutes les strates médias, même les plus grand public. Et pour cause, sortie d'abord aux États-Unis et autres territoires anglophones dès le 5 juillet, l'application a fait voler en éclat un nombre hallucinants de records, qui semblaient pour certains hors de portée. En vrac :

  • l'action Nintendo a doublé en deux semaines, avec un record historique à la bourse de Tokyo le 18 juillet (476 milliards de Yens échangés / ~2,9 milliards d'euros) ;
  • Apple a indiqué que l’application avait été la plus téléchargée en une semaine depuis que l’App Store existe, alors qu'elle totalisait sur Android 50 millions d'installations en moins de trois semaines (soit le double de Tinder et presque autant d'utilisateurs que Twitter) ;
  • sur la journée du 10 juillet, l'agence Slice Intelligence estimait que les micro-transactions de Pokémon GO concernaient plus d'acheteurs que ceux de tous les autres jeux mobiles réunis (47% du revenu total ce jour-là) ;
  • l'action McDonald's a elle aussi pris 30% après l'annonce d'un partenariat avec Pokémon Company (leurs restaurants sont des "Pokéstops"), bien que le montant dudit partenariat ne soit pas connu ;
  • sur de nombreux territoires, d'anciens jeux Pokémon ressortent dans les tops des ventes actuels.

Bien au-delà de la question statistique, le jeu en réalité augmentée a largement modifié le paysage vidéoludique habituel, pour élargir encore l'immense vivier casual déjà capté initialement par Nintendo il y a quelques années avec la DS puis la Wii. Ainsi, on peut légitimement parler de phénomène social lorsque :

  • on voit des scènes étonnantes notamment à Central Park et d'autres plus inquiétantes ;
  • on lit des histoires émouvantes comme celle d'un enfant autiste qui se socialise à travers le jeu ;
  • on s'étonne quand un journaliste joue pendant une réunion officielle de l'administration américaine ;
  • on s'amuse (tant qu'aucun drame n'arrive) que des fausses rumeurs lancées à la volée sur l'apparition de tel nouveau Pokémon fassent déplacer des foules en quelques secondes ;
  • on constate que de nombreux établissements interdisent l'appli dans leurs lieux, par exemple le sanctuaire Izumo Taisha à Shimane ou le Shitenno-ji à Osaka ;
  • on découvre des faits divers glaçants de morts liées au jeu : au volant, depuis une falaise ou ailleurs ;
  • on consulte les consignes de bonne conduite livrées très sérieusement par les polices et gouvernements d'un peu partout dans le monde (ici au Japon) ;

Vingt ans après la naissance des célèbres "monstres de poche" sur GameBoy monochrome, le principe est resté le même : capturer des pokémons, cette fois en réalité augmentée (donc dans le monde réel). Développé par Niantic Labs, Pokémon GO a bouleversé le paysage en particulier des grandes villes en regroupant les joueurs autour de "Pokéstops" nichés par exemple dans des parcs (dont celui-ci à Nagoya, à la forme particulièrement amusante).

Au Japon en particulier, le week-end de sortie n'était semble-t-il qu'une introduction aux effets du côté addictif généré par l'application : des hordes de salariés, par exemple, exploitent leurs moindres temps de pause et leurs soirées à chasser du monstre virtuel, chacun le nez sur son écran de portable. À Tokyo, Osaka et dans les autres grandes villes, les plus grands jardins ont ainsi des drôles d'airs depuis quelques jours... Le Pokémon GO Plus, bracelet bluetooth qui vibre à proximité d'un Pokémon sauvage, devrait permettre de réduire ce crispant "effet zombie" à partir de sa sortie fin août.

Au sein de l'application au modèle freemium, évidemment, des micro-transactions (achats intégrés) pour faciliter son expérience de jeu. Ce qui énerve les utilisateurs reste plutôt la stabilité toujours précaire des serveurs (logique vu l'afflux simultané) ou encore la batterie du jeu qui se vide à vitesse grand V alors que le smartphone 📱 a tendance à surchauffer, sollicitant de nombreuses fonctionnalités en simultané. Mais le vrai hic de Pokémon GO réside encore dans ses possibilités ludiques relativement pauvres, notamment en regard de la profondeur du système habituel des jeux de la saga, et l'expérience vite redondante au-delà de l'aspect collectionnite, quand ce ne sont pas des bugs intempestifs qui grèvent l'expérience.

Le phénomène de mode explosif, monté en épingle par une hype relayée et entretenue sur Internet 📶, saura-t-il être chouchouté par ses développeurs sur la durée, alors même que ceux-là annoncent un jeu à seulement 10% du rendu final escompté ? À l'heure actuelle, l'application semble du coup plutôt prendre des airs de version beta. Ainsi, seule la première génération de Pokémons est intégrée au jeu à l'heure actuelle, soit 20% seulement du bestiaire complet. On attend évidemment beaucoup plus de fonctionnalités et de complexité sans quoi malgré son potentiel, le soufflé risque de retomber aussi vite qu'il n'a gonflé.

Nintendo l'ayant bien compris, elle s'est exprimée publiquement après deux semaines d'une course folle au Nikkei pour expliquer qu'elle ne possédait que 33% de la Pokémon Company et qu'elle n'était impliquée, ni dans le développement ni dans l'édition de l'application. Pokémon GO ne faisant pas partie de ses cinq jeux mobiles prévus en 2016, initiés avec Miitomo, la firme de Kyoto espère peut-être surtout ne pas décevoir les fans de sa marque après une explosion aussi inattendue.

-- Télécharger gratuitement Pokémon GO :

Mis à jour le 01 août 2016 -