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Sky Crawlers

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Parmi les fans d'animation japonaise, Sky Crawlers était attendu. Et pour cause, le film est le fruit d'une nouvelle collaboration entre Mamoru Oshii, Kenji Kawai et Production IG, c'est vous dire si on parle de lourd. Après les adaptations de Ghost in the Shell qui avaient fait grand bruit, et un Avalon très débattu, Oshii s'attaque désormais à une série de romans écrits en début de siècle par Hiroshi Mori.

Sur fond d'une guerre qui prend des allures de spectacle divertissant pour le peuple, des adolescents un peu spéciaux sont les stars d'enjeux aériens. Leur statut est plus flou car ce sont en fait des Kildren, des humanoïdes fabriqués sans aucune mémoire passée, mais dont les sentiments ressurgissent à chaque remise à neuf (sous-entendu, après leur mort au combat). Sur ce fond, se développe une histoire d'amour entre Yûichi et Suito, les deux protagonistes dont on comprend bien vite qu'ils se sont déjà aimés sous d'autres existences.

On reconnaît donc les thèmes chers au réalisateur, et notamment le concept de poupée sans âme qui cherche un sens à son existence. Ici, les Kildren vivent un épicurisme difficile puisqu'ils combattent sans connaître les tenants et aboutissants de leur entourage, du contexte politique jusqu'au sens même de leur propre vie. A ce titre, le film offre des pistes de réflexions, bien que déjà vues, toujours très intéressantes.

L'aspect technique allait forcément être étudié, surtout quand on sait l'intérêt porté à Oshii aux détails (voyez la reproduction quasi maniaque des mécaniques d'avions ✈️, de motos, de flingues...) mais aussi après la claque GITS Innocence il y a 5 ans. Dans Sky Crawlers, les incrustations numériques sont superbes, comme on le découvre dans les rares combats aériens à la mise en scène juste exceptionnelle. De même, les décors sont jolis, propres et fouillés. En revanche, il y a au-delà de tout ça un énorme décalage avec le design des personnages et l'animation 2D, qui sont nettement en retrait et juste médiocres pour un film de ce calibre et avec ce budget. Il est assez impressionnant de voir à quel point les cellulos manquent de détails, et l'animation d'images par seconde.

C'est comme si pour la réalisation, la césure psychologique des thèmes abordés dans le scénario se traduisait sur le plan technique - ces aviateurs avatars ne se réalisent vraiment que dans les cieux, le reste n'étant que latence et réflexion stérile. A ce titre, on remarquera un autre clivage entre les couleurs au sol volontairement limitées, peu franches, alors que le rythme véloce et féroce des escapades aériennes tranche avec cette mélancolie. Dommage que la musique de Kawai, pourtant toujours au top, se montre si discrète ; elle aurait pu renforcer l'empathie sur ces sujets. On notera également au casting doublage, les actrices Rinko Kikuchi et Chiaki Kuriyama.

Vous vous souvenez quand j'écrivais que les dialogues d'Innocence ressemblaient "trop à un vulgaire feuilletage du dictionnaire des citations pour prétendre à un quelconque intérêt" ? Dans Sky Crawlers, Oshii a beaucoup travaillé les dialogues et ceux-ci deviennent vite intéressants. Mais du coup, la lenteur et le manque de rythme flagrant lié à l'empathie du film sur la condition des Kildren pourra vraiment ennuyer le spectateur. Pourtant, l'intention est plus que louable. Clairement, il s'agit d'un film difficile et compliqué, qui ouvre la réflexion en ne fermant pas sa lecture du scénario et donc à ne pas mettre à la portée de tous, sous peine de le voir fustigé.

Mis à jour le 10 septembre 2015 -