Daiba 1-chome Shotengai (Tokyo), entrée dans la rue marchande de l'époque Showa

Le Japon depuis 1945

De la reconstruction au soft-power international

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L’ère Showa continue après la Seconde Guerre mondiale, caractérisée par la reconstruction du pays et son entrée parmi les grandes puissances économiques du monde. Le Japon parvient à maintenir ce statut aux cours des périodes suivantes, Heisei, puis Reiwa, malgré les crises internationales et les catastrophes naturelles qui touchent régulièrement l’archipel.

Le 15 août 1945, à l’issue de 15 ans de guerre et des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki par les Américains, l’empereur Hirohito lui-même annonce la capitulation de l’Empire du Japon à la radio.

L’après-guerre et la reconstruction

Le pays est ainsi occupé dès septembre 1945 et jusqu’en avril 1952, et placé sous la tutelle du SCAP (Supreme Commander of the Allied Powers) dirigé par le général américain McArthur.

Dans un premier temps, le SCAP s’attache à mener des réformes profondes dans le but de démilitariser et démocratiser le pays avec :

  • une dissolution de l’armée et de la marine dès novembre 1945 ;
  • des purges dans la police, le gouvernement, les grands groupes industriels de tous ceux soupçonnés d’avoir favorisé l’entrée en guerre du Japon ;
  • la fin du statut de religion d’État du Shinto.

De plus, une série de grands procès dans la lignée de ceux de Nuremberg, le Tribunal de Tokyo (mai 1946 - novembre 1948), s’attache à juger hommes politiques et militaires japonais impliqués dans la guerre.

Osaka Gokoku-jinja, cerisiers et pavillon Haiden du sanctuaire dédié aux anciens combattants pour la nation

Une nouvelle constitution, promulguée en novembre 1946, entre en vigueur dès mai 1947, selon laquelle :

  • l’empereur n’est plus un monarque absolu mais le symbole de l’unité du peuple ;
  • le pays renonce à la guerre et à l’usage de la force (article 9) ;
  • les femmes accèdent au droit de vote.

Cependant, le début de la Guerre Froide en 1947 provoque un retournement de situation politique : le Japon est alors considéré comme un avant-poste 📮 face à la montée du communisme en Asie. Plusieurs réformes sont abandonnées comme :

  • le démantèlement des zaibatsu, dont le pouvoir financier est redirigé par l’État ;
  • la décentralisation de la police ;
  • plusieurs pans de la réforme du travail, dont le droit de grève des fonctionnaires.

Le début de la guerre de Corée (1950 - 1952) marque la reprise économique du Japon, qui devient une sorte d’usine d’armement pour les États-Unis. Le pays connaît une forte inflation entre 1945 et 1950, les conditions de vie déjà difficiles sont aggravées par le rapatriement de près de 7 millions de Japonais déployés en Asie (militaires et civils).

L’âge d’or de l’ère Showa (années 1950 - 1970)

Les années 1950 au début des années 1970 sont une période de haute croissance où le pays passe assez brutalement de la pauvreté à la prospérité. Comme dans le reste du monde, la reconstruction s’accompagne d’un boom économique mais son ampleur est telle qu’il est qualifié de "miracle économique" par les historiens. Pendant cette période, le Japon devient en effet la 3ème puissance économique mondiale, après les États-Unis et l’URSS. Sa performance est permise par un contexte international favorable couplé à des investissements massifs dans les nouvelles technologies et les usines de production. La présence des troupes US, notamment à Okinawa, permet des dépenses militaires minimales. De plus, le pays bénéficie d’une main d’œuvre éduquée et qualifiée, très économe mais qui n’hésite pas à investir dans des biens de consommation à forte valeur ajoutée : les "3 joyaux" possédés par 90 % des ménages japonais dans les années 60 (machine à laver, réfrigérateur et TV). La consommation carnée progresse également au sein de toutes les couches de la population.

Le pays reprend aussi une place plus positive sur la scène internationale avec l’organisation de grands événements :

  • les JO d’été de Tokyo en 1964, conçus comme une vitrine de la modernisation et de la reconstruction du Japon, avec le lancement du Shinkansen, le train le plus rapide du monde à l’époque ;
  • l’Expo Universelle de 1970 à Osaka ;
  • les JO d’hiver de Sapporo en 1972.

Toutefois, et contrairement à son idéalisation postérieure, l’époque est loin d’être un long fleuve tranquille. Elle est marquée par de nombreuses manifestations, parfois très violentes, et de nombreux scandales de pollutions industrielles.

La plus grande opposition politique rassemble notamment les mouvements étudiants (très puissants et politisés dans les années 1960) et les mouvements syndicaux, autour de l‘opposition au traité de l’Anpo, le traité de sécurité nippo-américain signé en janvier 1960 entre les États-Unis et le Japon.

Les manifestations concernent aussi :

  • la construction de l'aéroport de Narita : l’opposition persiste d’ailleurs depuis 1966 si bien que l’infrastructure n’est toujours pas officiellement terminée ;
  • les scandales sanitaires / industriels : empoisonnements au cadmium (Toyama) et au mercure à Minamata et Niigata, maladies respiratoires liées aux raffineries de pétrole (Mie, Yokohama, Kawasaki, Amagasaki sur la baie d’Osaka).

Naoshima (mer de Seto), Œuvre Kabocha de Yayoi Kusama

Bouillonnement culturel

La scène artistique nippone de l’âge d’or de Showa semble en quête de la définition de l’identité japonaise, fortement ébranlée par la guerre et les changements de la société. Une certaine exubérance teintée de noirceur et de violence sont les points communs d’artistes comme Yayoi Kusama (née en 1929), le groupe d’art contemporain Gutai (actif de 1954 à 1972) précurseur des performances artistiques, ou encore la création de la danse Buto dans les années 1960.

En cette période de forte croissance, l’architecture est très dynamique et les architectes japonais ont définitivement assimilé les techniques et formes occidentales pour les adapter à leurs conditions locales. Leurs réflexions sur la ville du futur aboutissent à la création du mouvement Métabolisme, dont une des dernières constructions encore visible est le Gymnase Olympique de Yoyogi (Shibuya).

Le prix Nobel de Littérature est attribué à Yasunari Kawabata en 1968 ; et Yukio Mishima choque le monde entier en 1970 par une tentative de coup d’état suivie de son suicide traditionnel. La culture populaire n’est pas en reste : Godzilla commence à semer la terreur dans les cinémas en 1954 ; les années 1960 voient le développement de l’industrie du manga, avec des noms devenus classiques comme Osamu Tezuka ou Mizuki Shigeru, et les prémisses de celle de l’animation qui commence à s’exporter dans les années 1970.

Musée du manga Tokiwaso (Tokyo), reproduction de la chambre 20 de Suzuki Shinichi, Naoya Moriyasu et Tokuo Yokota

Des chocs pétroliers à la fin de Showa (1973 - 1989)

La période de haute croissance prend brutalement fin avec le premier choc pétrolier de l’automne 🍁 1973, soulignant la dépendance du pays au pétrole. C’est à cette occasion que sont lancés les programmes de construction de centrales nucléaires et hydroélectriques.

Dès 1974, le Japon fait partie de ce qu’on appellera plus tard le G7 (groupe des 7 pays détenant les 2/3 des richesses mondiales à l’époque de la création du groupe). Il compte sur le plan politique international, malgré des relations parfois houleuses avec :

  • les États-Unis, un de ses principaux partenaires, les économies des 2 pays étant fortement interdépendantes ;
  • les pays d’Asie, car la question des réparations de guerre est toujours sensible ;
  • l’URSS qui revendique une partie des îles Kouriles à l’est d’Hokkaido.

Les relations officielles avec la Corée du Sud ont repris seulement en 1965, et des liens économiques se tissent entre les deux pays jusqu’à ce que la Corée du Sud devienne le 3ème partenaire commercial du Japon en 1990. Les tensions politiques restent toutefois vives, d’autant plus que de profonds désaccords persistent au sujet des actions du Japon pendant la 2nde Guerre mondiale, et que le révisionnisme se fait de plus en plus entendre dans les sphères politiques de l’archipel dans les années 1980~90.

Dans les années 1980, le Japon offre l’image d’un pays à la pointe de la modernité, en particulier pour l’électronique. Les Japonais consomment sans restriction, les voyages d’agrément (mais au pas de course) à l’étranger se développent et sont permis par leur pouvoir d’achat. L’image d’Épinal du Japon commence à se dessiner : celle d’un peuple de fourmis, entassés dans des trains 🚅 bondés et dont les enfants doivent passer de longues heures en cours du soir (juku) pour faire face à la compétition éducative et s’assurer une meilleure place dans la société.

Le divertissement est néanmoins une industrie en plein développement : Nintendo croît autour du jeu vidéo 🎮 à la fin des années 1970 et lance la fameuse console Famicom en 1983. Sega produit la Master System en 1986. Le Studio Ghibli est fondé en 1985 par Hayao Miyazaki et Isao Takahata.

Le décès de l’empereur Hirohito en janvier 1989 est la fin officielle de l’ère Showa, et coïncide avec la fin d’une époque pour le Japon et pour le monde de la fin des années 1980, début des années 1990.

Ghibli Park (Nagoya), reproduction d'une scène du film Porco Rosso

Ère Heisei (1989 - 2019)

Akihito succède à son père le 8 janvier 1989, date de début de l’ère Heisei, marquée notamment par :

  • l’éclatement de la bulle économique et un arrêt brutal de la croissance japonaise ;
  • la première guerre du Golfe en 1991, qui met en lumière sont statut de "géant économique, nain politique" ;
  • le séisme de Kobe en janvier 1995 (épicentre au nord de l'île d'Awaji-shima) ;
  • les attentats de la secte Aum Shinrikyo au gaz sarin dans le métro de Tokyo en mars 1995 ;
  • la signature du protocole de Kyoto visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre en 1997 ;
  • l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver de Nagano en 1998 ;
  • la coupe du monde de foot en 2002 organisée conjointement avec la Corée du Sud ;
  • l’Exposition Universelle 2005 de Aichi (près de Nagoya) dans le parc de laquelle se trouve à présent le Parc Ghibli ;
  • le Grand tremblement de terre du Tohoku le 11 mars 2011, suivi d’un tsunami dévastateur et de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima ;
  • les séismes de 2016 à Kumamoto, qui ont notamment endommagé son château 🏯.

Tokyo, panneau de prévention des risques en cas de séisme

Au début des années 2000, le Japon est toujours dirigé par un gouvernement conservateur, mais l’image des politiques est rafraîchie par le Premier Ministre Jun’Ichiro Koizumi (en poste de 2001 à 2006), qui n’hésite pas à nommer davantage de femmes dans son cabinet, suivant ainsi les tendances internationales de l’époque. Il est partisan de la réforme de la constitution, en particulier de l’article 9 et, malgré ses progrès diplomatiques avec la Corée du Nord, ses visites au sanctuaire Yasukuni provoquent des tensions avec la Chine et la Corée du Sud.

Shinzo Abe lui succède de 2006 à 2007, puis de 2012 à 2020, après le séisme du Tohoku. Il lance les "Abenomics", une série de réformes visant à réduire la dette abyssale du pays et à moderniser celui-ci, notamment en accordant plus de place aux femmes dans le monde du travail et contrer la dénatalité. Il se place dans la même ligne que Koizumi concernant la révision de l’article 9 de la constitution.

Le soft-power japonais continue de prendre de l’ampleur, avec un boom mondial des anime et du manga au début des années 2000, qui constitue une partie de la communication touristique autour du "Cool Japan". L’architecture japonaise contemporaine est récompensée à de multiples reprises par le prix Pritzker :

  • Fumihiko Maki en 1993,
  • Tadao Ando en 1995,
  • Shigeru Ban en 2014,
  • Arata Isozaki en 2019.

De nombreux monuments et sites historiques sont classés au Patrimoine Mondial de l’UNESCO : Kyoto et à Nara en 1993, les villages historiques de Shirakawa-go et Gokayama en 1995. Le Mont Fuji 🗻 est quant à lui classé en 2013, l’année où le Japon se voit attribuer l’organisation des JO 🏅 d’été de 2020. L’empereur Akihito émet dès 2016 son souhait de se retirer en raison de son âge et de son état de santé. Son abdication a lieu le 30 avril 2019 et marque la fin de l’ère Heisei.

Kodai Hasu No Sato (Saitama), rizières aux couleurs de la coupe de rugby en 2019 au Japon

Ère Reiwa (depuis 2019)

Naruhito, fils du précédent empereur, accède au trône du chrysanthème le 1er mai 2019, et son début de règne est plutôt agité :

  • le Japon organise la Coupe du monde rugby en octobre 2019, événement international prélude à la grand messe des JO de Tokyo prévu l'année suivante ;
  • les typhons très violents Faxai (en septembre) et Hagibis (en octobre) provoquent des dégâts de grande ampleur, poussant l’empereur à renoncer aux cérémonies traditionnelles d’intronisation prévues à cette période ;
  • le château de Shuri à Okinawa, classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, est entièrement détruit par un incendie fin octobre 2019 ;
  • arrêté en novembre 2018, mis en détention puis placé sous surveillance pour soupçons de malversations financières, l'ex-PDG de Nissan-Renault-Mitsubishi Carlos Ghosn réussit à quitter le territoire le soir du 31 décembre 2019, en se cachant dans une malle de musicien.

Tokyo, village olympique des JO de 2021 fermé pendant la pandémie de Covid

Covid et fermeture du pays de 2020 à 2022

Début 2020, le Japon est rapidement concerné par la pandémie de Covid-19 🦠 avec le cas du bateau 🛥️ de croisière Diamond Princess, placé en quarantaine dans le port de Yokohama dès février. Puis, à partir de mars, le pays suspend tous les voyages internationaux et ferme ses frontières aux touristes étrangers jusqu’à la mi-octobre 2022. Sous états d'urgence successifs mais sans jamais confiner totalement la population, les autorités reportent d'1 an, à l'été 2021, les JO de Tokyo qui se dérouleront finalement à huis clos.

En septembre 2020, le Premier Ministre Shinzo Abe démissionne officiellement pour raison de santé, puis se fait assassiner en juillet 2022 lors d’un meeting politique à Nara. En octobre 2021, Fumio Kishida devient le 100ème Premier Ministre du Japon.

Le 11 mars 2021 marque le 10ème anniversaire du séisme du Tohoku et de l’accident de la centrale de Fukushima. Le gouvernement autorise pour les prochaines années le déversement des eaux radioactives de Fukushima dans l’Océan Pacifique, ce qui accroît les tensions avec les pays voisins.

L'année 2023 se caractérise par un retour à la normale au Japon et dans le monde avec la levée progressive de toutes les mesures restrictives liées au Covid-19. La plupart des festivals traditionnels reprennent leurs cours à partir de l'été et la fréquentation touristique du pays retrouve presque ses chiffres pré-pandémie.

En août 2023 et suite à la diffusion d’un documentaire de la BBC en mars, un rapport est publié sur les agissements de Johnny Kitagawa, le fondateur de l’usine à boys’ bands Johnny & Associates, prouvant qu’il abusait de ses poulains. Le scandale retentissant implique les grands groupes audiovisuels japonais, qui ont volontairement ignoré les accusations depuis les années 1960.

L’année 2024 (Reiwa 6) débute tristement pour le Japon :

  • 1er janvier 2024 : séisme de la péninsule de Noto (côte ouest du Japon) d’une magnitude de 7,6 suivi de nombreuses répliques de forte magnitude qui a fait, à l'heure où ces lignes sont écrites, plus de 200 victimes, 100 disparus et 665 blessés ;
  • 2 janvier 2024 : à l’aéroport de Haneda, un Airbus de la JAL percute un avion des gardes côtes dépêché pour venir en aide aux sinistrés d’Ishikawa.

Actualités à suivre...

Mis à jour le 15 janvier 2024 -