Rue à Tokyo, poisson-chat Namazu représenté sur les panneaux de prévention en cas de séisme

La légende de Namazu

🐟🐈 Le poisson-chat à l'origine des séismes au Japon

⏱ 4 minutes

Namazu est le poisson-chat légendaire sur lequel repose l'archipel japonais, à l'origine des nombreux tremblements de terre qui frappent le Japon lorsqu'il se met à bouger. Selon la légende populaire de l'époque Edo, il est maintenu immobilisé sous terre par une pierre sacrée qui lui a été plantée par le dieu Takemikazuchi. On retrouve sa figure régulièrement utilisée dans la culture populaire japonaise.

Archipel volcanique dressé à la rencontre de 4 grandes plaques tectoniques, le Japon connaît depuis toujours des séismes plus ou moins forts et destructeurs. La population, qui a tenté d'expliquer ces phénomènes naturels aléatoires bien avant le développement des connaissances scientifiques, les a ainsi intégrés au catalogue de son folklore traditionnel. Les différents récits mythologiques y faisant référence détaillent l'idée principale que le pays repose sur l'épine dorsale d'une bête monstrueuse associée à l'eau et dont les mouvements seraient à l'origine des secousses régulières de la terre.

D'abord dragon 🐉, l'animal géant sur lequel se trouve le Japon se transforme au fil des siècles en poisson 🐟-chat 🐈 baptisé namazu (鯰) en japonais. En effet, ce gros poisson carnassier doté de barbillons autour de la bouche, qui vit dans les profondeurs des lacs d'eau douce et que l'on connaît en Europe sous le nom de silure, s'avère sensible aux champs électriques générés en souterrain. De cette façon et pour l'époque, on aurait conclu à leur causalité concernant la survenue de tremblements de terre, après avoir observé des namazu s'agiter à la surface de l'eau juste avant un épisode.

La légende de Namazu apparut au XVe siècle puis devint très populaire au cours de l'époque Edo (1603 - 1868), notamment à la suite des 3 grands séismes de l'ère Ansei qui se produisirent entre 1854 et 1855, dont un de magnitude 6,9 qui frappa l'ancienne capitale féodale (actuelle Tokyo). À cette période et pour se protéger d'autres futures catastrophes, les auteurs d'estampes japonaises ukiyo-e publièrent une série de représentations du poisson-chat baptisées namazu-e (鯰絵). Ces dernières relatent de manière illustrée l'histoire légendaire et servent également de talisman omamori pour demander la protection du dieu du tonnerre Takemikazuchi (建御雷).

Estampe Namazu-e, divinité Takemikazuchi avec la pierre Kaname-ishi sur la tête du poisson-chat

La soumission par le kami Takemikazuchi

Takemikazuchi est une divinité kami guerrière héroïque, connue pour avoir réussi à immobiliser le poisson-chat géant responsable des séismes au Japon. Pour cela, il lui épingle sur la tête la pierre sacrée kaname-ishi (要石), sorte de clé de voute essentielle qui, enterrée dans le sol, empêche Namazu de bouger et donc de provoquer des secousses.

On peut voir le symbolique monolithe kaname-ishi toujours planté dans le sol au sein du grand sanctuaire Kashima-jingu (鹿島神宮) situé dans la préfecture d'Ibaraki, au nord-est de Tokyo. Cette ancienne enceinte shinto consacre le kami Takemikazuchi, également connu sous le nom de Kashima daimyojin ou Kashima no Kami. Il est par ailleurs la divinité tutélaire de la famille Fujiwara, un puissant clan de l'Antiquité japonaise, pendant les périodes de Nara (710 - 794) et Heian (794 - 1185).

Mais l'étreinte sur Namazu reste faillible et même le dieu du tonnerre ne peut totalement empêcher la créature de se mouvoir. Ainsi, certaines estampes namazu-e de l'époque Edo critiquent cette faiblesse inhérente du kami qui se distrait parfois et relâche sa prise, ce qui entraîne un séisme. D'un autre côté, le poisson-chat n'est pas forcément de mauvaise augure pour la population et ses mouvements de destruction peuvent finalement apporter une certaine richesse aux travailleurs, notamment à ceux qui sont chargés de reconstruire. De cette façon, certaines estampes présentent le poisson-chat en compagnie de Daikokuten, l'une des 7 Divinités japonaises du Bonheur.

Namazu pourrait également symboliser le yin et le yang et provoquer des séismes lorsque l'équilibre cosmique n'est pas respecté. De cette façon, certains habitants d'Edo voyaient dans les grands séismes de l'ère Ansei une conséquence de l'actualité troublée de l'époque dite "Bakumatsu", marquée par de nombreux enjeux politiques et commerciaux qui entraînèrent la chute du pouvoir shogunal et le retour de l'empereur seul à la tête du pays.

Pokemon Barbicha (Numazun)

Namazu dans la culture contemporaine

De nos jours, la figure de Nazamu et sa relation traditionnelle avec les séismes est régulièrement reprise par les institutions japonaises, notamment pour illustrer les panneaux d'indication de circulation en cas de gros tremblements de terre comme à Tokyo (photo de une). L'agence météorologique japonaise a également déjà utilisé le poisson-chat pour communiquer à propos de la sismicité de l'archipel.

Au sein de la culture populaire, les représentation de Namazu sont nombreuses. On peut citer le Pokemon Barbicha (baptisé Namazun en japonais) qui fait directement référence au poisson-chat et à ses facultés à provoquer des secousses sismiques.

En France, le parc Vulcania en Auvergne inaugure en 2021 une nouvelle attraction ludo-pédagogique baptisée Namazu, qui sensibilise les plus jeunes au phénomène naturel des tremblements de terre.

Mis à jour le 11 mars 2024 -