Nishio (Nagoya), expérience de thé matcha lors de la visite de l'entreprise Aoi Seicha

Thé japonais

🍵 La subtilité du matcha et du sencha

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Le thé japonais ou nihoncha désigne un thé vert qui se boit infusé, comme le sencha, ou bien réduit en poudre et fouetté dans l'eau, comme le matcha. La gamme de thés verts au Japon se montre très variée, à l'image de cette boisson devenue populaire depuis l'époque Edo (1603 - 1868) et qui s'exporte largement en Occident, notamment pour ses bienfaits sur la santé.

Les Japonais affectionnent le thé vert dont la robe claire et rafraîchissante en bouche s'accorde davantage avec l'umami, la subtile 5ème saveur si chère à leurs papilles, que le thé noir ou oolong aux arômes plus puissants. À l'image de la bière japonaise qui est une pale lager à basse fermentation, le thé japonais (日本茶 nihoncha) désigne un thé vert (緑茶 ryokucha) non-oxydé qui se boit toute la journée, seul ou en accompagnement, chaud ou froid en été.

Parmi les types de thés les plus connus et consommés au Japon, on distingue de manière non-exhaustive :

  • la poudre matcha 🍵 (抹茶), fouettée dans de l'eau chaude jusqu'à obtenir une mousse onctueuse et bien verte, il s'agit de la boisson servie lors de la cérémonie du thé traditionnelle ;
  • le sencha (煎茶), le thé le plus courant au Japon et qui se boit infusé ;
  • le hojicha (ほうじ茶), un thé vert grillé, très populaire pour accompagner un repas au restaurant ;
  • le genmaicha (玄米茶), un thé vert aromatisé avec des grains de riz brun soufflés ;
  • le gyokuro (玉露), un thé vert de haute qualité, souvent issu de la première récolte printanière des feuilles de théiers (first flush) ;
  • le bancha (番茶), un thé vert ordinaire, à l'inverse, issu des restes de fabrication du sencha et du tencha (thé avant qu'il soit réduit en poudre matcha) ;
  • le mugicha (麦茶), un thé d'orge torréfié et dénué de caféine, il convient ainsi bien aux enfants et aux femmes enceintes.

Uji, dégustation à la boutique de thé vert Kanbayashi

On trouve du thé partout au Japon :

  • dans les supermarchés, au konbini et au sein de boutiques spécialisées ;
  • dans les restaurants et fast-food japonais, quelle que soit leur gamme de prix ;
  • dans les chaînes de cafés comme Starbucks ou Tully's ;
  • dans des salons de thé indépendants ;
  • dans certains temples bouddhistes et maisons de thé traditionnelles qui disposent d'un jardin pour une pause contemplative ;
  • dans les stands des matsuri ;
  • et enfin, dans les distributeurs de boissons jidohanbaiki à chaque coin de rue.

Puisqu'il est vendu en vrac, conditionné en sachets ou en sticks, ou bien directement prêt à boire en bouteille, les touristes amateurs ont l'embarras du choix pour consommer du thé vert au Japon ; Ito En étant la compagnie de thé vert industriel la plus répandue dans l'archipel.

Camion aux couleurs de Ito EN pour la livraison de boissons pour les distributeurs automatiques

Histoire et géographie du thé au Japon

D'origine chinoise et importé par les moines bouddhistes de retour de séminaire, le thé aurait fait sa première introduction au Japon dès l'époque de Nara (710 - 794) auprès de la cour impériale. Puis, au cours du IXe siècle, des premiers théiers de l'espèce Camellia sinensis à petites feuilles sont plantés dans la région autour de Kyoto, notamment au sein de la ville d'Uji ; laquelle est encore aujourd'hui considérée comme la capitale historique du thé au Japon. On reconnait ensuite 3 dates associées à 3 personnalités importantes pour l'essor et la popularisation du thé au Japon :

  • En 1191, le moine Eisai ou Yosai (1141 - 1215), fondateur de l'école Zen Rinzai au Japon, rapporte également de Chine des graines de thé qu'il plante dans les jardins des temples et surtout un nouveau procédé pour réduire les feuilles en poudre, qui s'apparente à la fabrication du thé matcha. Il fait la promotion du thé d'abord pour ses propriétés médicales et stimulantes naturelles, plutôt que pour son plaisir gustatif.
  • Au XVIe siècle, le maître Sen no Rikyu (1522 - 1591) établit les codes de la cérémonie du thé (baptisée Chanoyu ou Sado) qui utilise le matcha et intègre ainsi le thé au centre de la culture japonaise traditionnelle. Cette pratique raffinée est particulièrement appréciée par la classe des guerriers samouraïs durant l'époque féodale.
  • En 1738, le producteur de thé Nagatani Soen (1681 - 1778), qui officie dans la petite ville d'Ujitawara dans la préfecture de Kyoto, invente le processus de fabrication du sencha ; lequel devient à partir de cette époque le thé vert de consommation courante que l'on connaît au Japon.

Fuji (Shizuoka), plantations de thé Obuchi Sasaba

Des champs à visiter de Shizuoka à Kyushu

Aujourd'hui, les grandes régions productrices de thé au Japon s'étendent sur une géographie concentrée qui reflète aussi bien l'histoire du thé, importé de Chine et qui voyageait par les ports commerciaux du sud du Japon, que la réunion des bonnes conditions climatiques, à savoir : un sol meuble et fertile comme la terre volcanique, avec un climat tempéré doux, ensoleillé et à l'abri du vent.

Pour celles et ceux qui souhaitent visiter des plantations de thé, on recommande l'itinéraire suivant :

  • du sud de Tokyo : les villes au pied du mont Fuji 🗻 et Shizuoka, la 1ère préfecture japonaise productrice de sencha au Japon ;
  • en passant par Kyoto et ses villes régionales berceau du thé comme Uji, Ujitawara et Wakura qui cultivent toutes sous l'appellation locale "Ujicha" aussi bien du matcha, sencha et gyokuro ;
  • puis, la préfecture de Mie, 3ème plus important producteur de thé au Japon (Isecha), spécialisé dans le kabusecha (かぶせ茶), l’un des 3 thés verts japonais les plus chers ;
  • et la petite ville méconnue de Nishio dans la baie de Nagoya qui produit en réalité la majorité de la poudre matcha de l'archipel ;
  • pour continuer sur l'île de Kyushu avec Fukuoka réputée pour sa culture de gyokuro ;
  • le village de Ureshino dans la préfecture de Saga pour son thé vert local haut de gamme ;
  • enfin Kagoshima, la 2ème préfecture en terme de production de thé avec ses champs situés au pied du volcan Sakurajima, notamment autour de l'ancienne cité féodale et guerrière de Chiran.

Sur place, des tours guidés permettent d'en apprendre plus sur la récolte puis la fabrication du thé vert japonais ainsi que les spécificités régionales. On profite également du voyage pour déguster le thé sous toutes formes, en boisson mais aussi cuisiné, telles que dans les glaces et les pâtisseries au matcha, ou encore les nouilles soba au thé vert. Au sein des destinations les plus traditionnelles, on assiste volontiers à une expérience de cérémonie de thé dans un pavillon baptisé chashitsu.

On recommande les mois de mai, octobre et novembre pour visiter des plantations de thé et découvrir toute la culture qui gravite autour, notamment l'artisanat local, les poteries et autres ustensiles traditionnels pour préparer et boire le thé au Japon.

Cérémonie de thé de bienvenue au logement Karigane (Kyoto)

Les dates anniversaires du thé japonais

La journée du thé japonais, baptisée 日本茶の日 Nihoncha no Hi (Japanese Tea Day en anglais), est fêtée chaque année 2 fois en octobre :

  • le 1er octobre est une célébration organisée depuis les années 2000 par la compagnie Ito En, en hommage à la grande cérémonie de thé traditionnelle qui s'est déroulée en 1587 au sanctuaire Kitano Tenmangu, dirigée par Sen no Rikyu lui-même et en présence du seigneur Toyotomi Hideyoshi ;
  • le 31 octobre est également fêté en mémoire du 31 octobre 1191, date historique qui marque le retour du moine Eisai de Chine avec des graines d'arbre à thé et le début de l'essor de cette boisson au Japon.

D'autres jours du calendrier sont par ailleurs réservés à des thés spécifiques tels que :

  • le 1er novembre : jour du genmaicha (玄米茶の日 Genmaicha no Hi) ;
  • le 6 février : jour du matcha (抹茶の日 Matcha no Hi) depuis 1992 ;
  • le 2 mai : jour du thé vert (緑茶の日 Ryokucha no Hi) en référence à la 1ère récolte printanière considérée comme la meilleure.

Ryokan Ise Shinsen (Mie), dessert japonais traditionnel accompagné d'un bol de thé vert

Fabrication et bienfaits du thé vert

La cueillette des feuilles constitue l'étape initiale dans le procédé de fabrication du thé et il s'agit également de la phase la plus intensive pour les cultivateurs. Il existe plusieurs périodes de récolte dans l'année qui influent sur la force du thé en bouche ainsi que sur sa qualité. De cette façon, la 1ère cueillette printanière (qui a lieu entre mi-avril et début juin selon les régions) assure la production des thés les plus hauts de gamme. On récolte ensuite de nouveau les feuilles de théiers durant l'été (selon la chaleur) puis à l'automne 🍁.

Afin d'empêcher la photosynthèse et donc de développer l'amertume en goût, les champs de théiers peuvent être placés sous ombrage pour les protéger des rayons du soleil. Cette mise à couverture dure plus ou moins longtemps selon le type de thé vert produit, certaines cultures restent à ciel ouvert toute l'année.

Les feuilles cueillies sont ensuite cuites à la vapeur (procédé japonais à l'origine du sencha) puis séchées et déshydratées. Les dernières phases de fabrication permettent de conditionner les feuilles, de les rouler pour le thé vert classique à infuser, ou de les réduire en poudre avec une meule pour le matcha. On entre alors dans un processus long et délicat ; en cas de mouvements trop rapides du pilon, le thé brûle et perd alors toutes ses propriétés gustatives et médicales.

Nishio (Nagoya), machines à réduire le matcha en poudre lors de la visite de l'entreprise Aoi Seicha

Depuis son adoption au Japon par les moines bouddhistes et la noblesse impériale, on reconnaît de nombreux bienfaits à la poudre de matcha, ce qui la rend très populaire au Japon ainsi que dans le monde occidental. En effet, au-delà du prestige de ce thé de cérémonie, le matcha est efficace selon les Japonais pour :

  • prévenir des coups de froid en hiver car il est riche en vitamines et minéraux ;
  • favoriser la perte de poids grâce à son action de brûleur de graisses lorsqu'il est bu pur ;
  • prévenir la formation de caries ainsi que la mauvaise haleine ;
  • prévenir une intoxication alimentaire ;
  • garder une belle peau ;
  • donner de l'énergie pour rester éveillé ;
  • et réduire l'apparition d'un cancer.

Le thé vert possède en effet plusieurs ingrédients naturels considérés comme bons pour la santé si l'on n'en fait pas une consommation excessive (pas plus de 5 tasses par jour). On peut ainsi citer :

  • la catéchine qui est un flavonoïde aux propriétés anti-inflammatoires et anti-oxydantes ;
  • les acides aminés tels que la L-théanine, le GABA et le glutamate (qui participe activement à l'umami) ;
  • la caféine de thé (théine) ;
  • le fluor ;
  • les vitamines B et C ;
  • des minéraux ;
  • et la cellulose.

Pour les non-initiés, le goût du matcha reste particulier, bien plus fort et accompagné d'une amertume davantage prononcée que pour un thé infusé. Il se consomme facilement en version latte c'est-à-dire mélangé à du lait (végétal), ce qui adoucit l'amertume. De manière générale, les thés verts japonais possèdent en bouche des notes végétales très tendres ainsi qu'un parfum iodé et d'algue, caractéristique des régions littorales du Pacifique où il est cultivé.

Mis à jour le 18 avril 2024 -