Tokyo Sonata Movie

Tokyo Sonata

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Une amie me racontait qu’elle a failli perdre ses meilleurs potes en les amenant voir Tokyo Sonata au cinéma. Évidemment, elle n’a pas respecté l’une des règles de l’importation de culture populaire japonaise : on ne s’embourbe pas dans un long-métrage nippon (Ghibli mis à part) sans être aguerri au genre. Sinon, c’est la porte ouverte à l’incompréhension culturelle et à l’ennui profond. Les Japonais ne construisent pas leurs films comme les occidentaux et ne racontent pas les mêmes histoires.

Pourtant et pour peu qu'on s'y ouvre, Tokyo Sonata, du prolifique réalisateur Kiyoshi Kurosawa, recèle des abondances sociologiques passionnantes. Et pose ses protagonistes face à l'omnipotence des apparences dans une société où traditionnellement, la valeur d’un homme se juge à sa carrière professionnelle et celle d’une femme à la tenue de son foyer. Dans un Tokyo qui se cherche, la descente aux enfers, l’explosion de tous les supports les uns après les autres, n’en sont que plus douloureuses.

Le film pose également ses questions capitales. Quelle est la -véritable- génération du XXIè siècle ? À quelle vitesse le Japon continuera-t-il à s’occidentaliser / s'américaniser ? Comment résoudre les problèmes de crise sociale ? Terriblement ancré dans le réel, Tokyo Sonata stigmatise alors la fragilité d’un système colosse aux pieds d’argile. Au-delà de tout ça, c’est aussi la performance interprétative qui met en relief la progression du déclin. Tous les acteurs sont formidables, des 2 parents (Teruyuki Kagawa et Kyôko Koizumi) au fils cadet (Kai Inowaki) en passant par sa professeure de piano (Haruka Igawa).

La longue agonie de la deuxième heure du film se termine au petit matin, autour de la table et du repas, sans un mot, pour trouver son acmé lors de l’audition de piano. Le Clair de Lune de Debussy symbolise alors la fin de la tempête, soignée par des émotions toutes retenues et une hallucination générale des spectateurs. Superbe mise en abîme et surtout, immense leçon de cinéma.

Mis à jour le 10 septembre 2015 -