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E3 2005 : vers une négation du jeu vidéo ?

Electronic Entertainment Expo 2005

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Cela n’aura échappé à aucun amateur, dépassant même allègrement les frontières des fidèles du jeu vidéo 🎮 : la nouvelle génération de machines est en marche. Xbox 360, PlayStation 3, Revolution ont été présentées courant mai, profitant de la centralisation médiatique de l’E3 pour rouler du cul et aguicher le chaland. « Ils sont beaux, mes milliers de jeux rétrocompatibles ! », « un milliard de joueurs, voyez-vous ça ? », « des polygones, j’en ai plus que le voisin ! ». Chiffres incroyables et technologies rutilantes nous ont abreuvé des semaines durant, et ce n’est pas près de s’arrêter. Pourtant, derrière des présentations de nouvelles machines aux spécifications délurées voire arrivistes, des démonstrations de jeux qui ne sont que des vidéos non calculées par un processeur de console, ou des figurants jeunes et jolis chauffant l’ambiance de manière intéressée, ce sont les licences à succès qui n’en finissent pas d’augmenter leur chiffre suffixal.

Aujourd’hui, l’on nous sort une conversion graphique de Conker’s Bad Fur Day, sorti il y a cinq ans, qu’un ennemi du héros présente comme un remake parce qu’on ne se débarrasse pas de lui de la même manière, et qu’un passage du jeu a été oublié dans la moulinette. Mais le gameplay, lui, n’a pas bougé d’un iota. Demain, ce sont une kyrielle d’anciens titres qui seront jouables via la Revo. IWATA, Président de Nintendô, ne se cache même pas de la faible avancée que cela représente : « The game itself and the gameplay shall be identical, but the look will be different -- it's possible that with Revolution we may be able to see the old games with new looks ». Sauf que, pendant qu’ils bossent sur ces conversions et leurs améliorations graphiques, c’est autant de développeurs en moins qui sont réquisitionnés pour concevoir de nouveaux concepts. A ce rythme, que nous réservent les véritables jeux de demain ?

L’aperçu donné au salon cette année n’a rien de reluisant. D’abord, Ghost Recon III et tous ses frères appuient le césarisme du recopiage : après que j’ai simulé de la violence, je singe 🐒 celle de mon armée. Ensuite, l’on atténue l’impression de répétitivité en améliorant la technique : je fais toujours la même chose mais c’est plus beau, ou l’hégémonie de l’inamovible interactivité. Enfin, l’on vend des leurres de communication : le jeu n’est plus qu’un prétexte pour partager mon moi fantasmé dans un univers virtuel. Seulement, celui qui agit, ce n’est plus mon moi réel, mais un avatar, c'est-à-dire une projection. D’où l’inquiétante prise de pouvoir du MMORPG sur la véritable expérience multijoueurs.

Et le jeu dans tout ça ? Il faudra repasser, ou presque. Les véritables concepts et innovations semblent presque avoir déserté un salon qui, pourtant, est sensé promouvoir le jeu vidéo. Aurait-on oublié, avec les avancées technologiques, une définition si limpide ? Heureusement que Ookami, Spore, Tasogare no Hime, King Kong, Mario Kart DS et quelques autres sont là. Pour nous faire oublier la morosité en puissance des supports next gen. Pour nous détourner du manque d’originalité absolu de l’écrasante majorité des jeux à venir. Pour atténuer l’attitude regrettable de la plupart des éditeurs.

La suite a de quoi inquiéter : avec les améliorations techniques des nouvelles machines, augmentent les coûts de développement. La nouvelle génération est clairement celle des gros sous. Et qui dit projets plus coûteux, dit frilosité des éditeurs à sortir des sentiers battus et rebattus, donc dictature de l’image sur l’interactivité et l’originalité. À l’heure où le jeu vidéo devient produit d’appel pour des superordinateurs dont le vidéoludisme n’est plus qu’un média parmi d’autres, il apparaît clairement que le jeu vidéo est en phase de basculement : de la fin, vers le moyen. Qui a dit mauvais ?

Mis à jour le 16 septembre 2015 -